moins sans valeur et vite découragés par le mutisme auquel ils sont astreints.
Inextricables difficultés ! au milieu de ce monde à esclaves, de quelque côté qu’on se retourne, on se heurte contre d’invincibles obstacles. On désire que les prêtres ne se laissent pas imposer silence, et l’on conçoit que les créoles leur ferment la bouche. En fait, les créoles agissent rationnellement ; le jour où les nègres comprendraient la fraternité universelle du christianisme, où ils entendraient la parole égalitaire d’un Savonarola, ce jour-là l’empire des colons serait détruit, leurs esclaves ne consentiraient plus à rester esclaves !… Quelle association que cette association coloniale ! La morale de l’évangile y est dangereuse !
Liberté, liberté donc pour tous ! C’est dans l’intérêt de tous que nous la demandons, tous souffrent là où règne l’esclavage. « Quel salut, dit l’Hospital, peut-on espérer, la liberté étant ôtée à l’homme ? La liberté et la vie vont d’un même pas, la liberté est l’élément hors duquel nous ne vivons plus qu’en langueur. »
Rendons justice aux conseils coloniaux, s’ils ont voté des fonds pour augmenter le nombre des prêtres qu’ils savaient ne pouvoir rendre aucun service, ils ont aussi demandé des écoles primaires dont ils savaient l’établissement impraticable. Quatorze frères de Ploërmel venaient d’arriver aux Antilles françaises au moment où nous les visitâmes, ils fonctionnaient déjà à Saint-Pierre ; à Fort-Royal, à la Basse-Terre et à la Pointe-à-Pitre, cela est vrai. L’ordonnance dit que les maîtres auront la faculté d’envoyer là leurs enfans esclaves. Cela est vrai encore, mais ce qui est vrai aussi, c’est qu’il est défendu aux chefs d’écoles mutuelles comme aux frères de recevoir aucun enfant esclave.
Est-ce parce que la classe de couleur a trop de préjugés pour consentir jamais à ce que ses enfans prennent place sur des bancs où seraient assis des esclaves ? Est-ce parce que des esclaves qui savent lire deviennent de mauvais esclaves ?
On y peut réfléchir, mais en tous cas, lors même que les colo-