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Nous avons regret de le dire, mais nous jugeons qu’il n’y a pas de bons prêtres aux colonies. Ils acceptent tous le fait es-

    avertir qu’encore, à cet égard, vous devez avoir une manière de penser et d’agir toute contraire à ce que vous verrez autour de vous. Si, à cause de la calamité des temps, vous êtes appelés à posséder des esclaves, n’oubliez pas qu’ils sont vos frères, et que vous devez les traiter avec les égards que l’homme doit à l’homme.

    « Je sais que dans ce pays il se trouve des capacités scientifiques qui osent dire que l’esclave est d’une autre espèce que le maître. Eh bien ! enfans chrétiens, jamais on n’a rien dit de plus absurde. Tous les hommes n’ont qu’une seule et même souche : tout homme est fils d’Adam ; tout homme a été fait à l’image et ressemblance du créateur : tout homme a été racheté sur la croix par le sang du Rédempteur ; tout homme a droit au ciel, conséquemment à la vérité et à la liberté qui y conduisent. Notre Seigneur, dit l’Évangile, quand il naquit à Bethléem, voulut revêtir la forme de l’esclave. Eh pourquoi ? si non pour l’ennoblir dans les idées des hommes, faussées à cet égard par leur hideuse avarice ?

    « Allez dans l’asile des morts, interrogez la poussière de ceux qui vécurent sous diverses couleurs cutanées, prenez à plusieurs sépultures la poussière funéraire, et cherchez à distinguer là le blanc du noir ! Laquelle de ces poussières sera la plus pesante ? Le vent, auquel vous l’abandonnerez, la trouvera, soyez-en certain, également légère : c’est que la mort sait rétablir l’ordre de la naissance. À leur berceau, les hommes sont égaux et frères, et la tombe les rapproche dans le même rapport.

    « Si les lois civiles, lois que je ne prétends pas ici qualifier, refusent des droits à l’esclave, Dieu lui en donne, la religion lui en suppose, le sentiment naturel les proclame. Enfans, écoutez la religion, et ayez pour tous, mais pour le faible surtout, une charité sans bornes.

    « Ne les battez pas ; l’homme n’est point sorti du sein d’Ève pour être fouetté ! Le moindre de vos coups ferait souffrir une âme immortelle ; et je vous le déclare, Dieu vous le rendrait.

    « Ne les laissez pas nus. N’a-t-il jamais travaillé cet homme, pour que son aspect blesse partout la pudeur ?

    « Ne le chargez pas de carcan ni de fers. Où l’on porte des chaînes, le riche s’asservit aussi bien que le pauvre ; car si l’inférieur porte au pied la chaîne, le supérieur est forcé de la porter au poing ; et de là gêne commune, de là violence : conséquemment malheur universel.

    « Instruisez l’esclave ; laissez-le venir facilement à l’église pour y apprendre à vous aimer, à vous aider, à vous soutenir. De quel droit lui