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bon citoyen, de leur inculquer le sentiment de la dignité humaine, le goût du mariage avec la fidélité à une seule femme et réciproquement à un seul homme, comme progrès sur la promiscuité ; enfin l’amour de l’ordre, la tempérance et l’indispensabilité du travail régulier. Mais le clergé catholique n’est-il pas trop exclusivement occupé du dogme de sa croyance, pour remplir cette tâche véritablement sainte ? Le clergé catholique a perdu l’ardent amour du prochain, la sympathie profonde pour les affligés, qui fit sa gloire et son triomphe. Toute la religion pour lui se borne maintenant à de certaines pratiques de culte. Le clergé protestant s’est mis en Angleterre à la tête de la croisade contre les partisans de l’esclavage, et son infatigable zèle a fait descendre et pénétrer la haine du monstre jusque dans les rangs les plus obscurs de la société. Que firent alors et que font nos prêtres catholiques ? Quelle chaire a retenti d’anathème contre les brigandages de la traite et contre les corrupteurs de la population nègre des Antilles ? De tous ces éloquens et jeunes prédicateurs qui ont surgi, en est-il un seul qui se soit attaché à la cause des frères noirs opprimés, un seul qui se soit souvenu que le Seigneur l’avait tiré de la terre d’Égypte ? Non. Pas une voix consacrée ne s’est fait entendre en faveur des esclaves !!! La France a cependant trente mille ecclésiastiques, et la moitié de ces trente mille appartient à la génération nouvelle. Notre clergé a forfait au plus saint de ses devoirs, il a déserté l’étendard sur lequel le sublime fondateur de la religion de la majorité des Français avait écrit : Charité.

C’est malheureusement une chose trop certaine, les prêtres aux colonies ne remplissent pas leur mission, ils se laissent lier la langue par la servitude, ils se contentent de prêcher la résignation ; la résignation ! vertu d’esclave et d’invalide ; ils veulent toujours craindre d’ébranler par un mot le chancelant édifice de l’esclavage. Tout ce qui blesserait le système colonial, c’est-à-dire tout le côté moral de la foi, ils se l’interdisent : la parole de vérité n’est offerte aux esclaves que faussée et