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d’une volonté suivie ? Si les bureaux de la marine savaient ce qu’ils veulent ? On aurait forcé les portes, appelé les gendarmes. Quel désordre alors ! n’était-ce point semer l’esprit de révolte chez les nègres, dont les impatiences se seraient augmentées à voir la loi dompter les maîtres à leur sujet ? Parmi les créoles qui ont résisté, les uns habitués à la mollesse de l’administration, savaient qu’il n’en serait pas davantage, les autres ne comprenaient pas la portée de leur résistance, pour le plus grand nombre, ils ne se dissimulaient nullement qu’ils échauffaient peut-être les germes d’une révolution dont les esclaves prendraient leur part, mais ils n’y voulaient point regarder. Nous avons vu la copie d’une association écrite en style furibond, où l’on jurait sur son honneur et sur celui de ses enfans de repousser à main armée tout ce que l’autorité pourrait tenter pour que force restât à la loi. — Les créoles ont dans la fougue de leurs passions une violence extraordinaire, ils aiment assez la bataille, plus encore le bruit de la bataille, et quelques-uns d’entre eux accepteraient volontiers la gloire de mourir bravement en pareille occasion pour la défense du seuil domestique. Ô folie de l’espèce humaine ! La cause de l’esclavage trouverait aussi des martyrs ! Est-ce bien avec de pareils hommes que réussiront les demi moyens, et peut-on compter sur eux pour favoriser les moindres mesures de transition ?

Maintenant, il nous est facile de prouver que si le ministère ne mettait pas une incurable légèreté dans tous ses actes pour les colonies, il n’aurait jamais décrété les visites de procureurs du roi. Il y a des circonstances de localité dans les îles qui s’opposent à ce que ces visites puissent être en l’état des choses de la moindre utilité. — L’hospitalité créole est si grande, si complète, si généreuse et si générale, qu’elle atteint toutes les classes : riche ou pauvre, artiste, ouvrier ou bourgeois, tout homme qui passe est reçu au salon ou à l’office du planteur, et y reste tant qu’il lui plaît. Il n’y a même presque pas besoin pour cela de lettre d’introduction, le titre de voyageur suffit, et vous pouvez parcourir le pays d’un bout à l’autre pendant des