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qui faisait la même défense aux Carthaginois[1]. Ceci veut dire que les législateurs avaient reconnu que dans les pays chauds les liqueurs sont contraires à la santé. Donc, au lieu de les rechercher, il est sage de s’en abstenir.

Or c’est l’intempérance surtout qui est le premier agent de destruction, c’est dans l’ivresse que le plus grand nombre des malheureux moissonnés par la fièvre jaune puisent le principe du mal qui les tue. Sur qui en effet sévit-elle particulièrement ? Sur les soldats de la garnison ; gens qu’un concours de circonstances déplorables, jointes aux mauvaises habitudes du peuple, semblent dévouer à la mort. — Par une fatalité extraordinaire, chez nos voisins comme chez nous, l’administration ne prend aucun soin de paralyser les dangers de la position. Plutôt que de choisir des hommes d’élite, d’un caractère fait et d’un esprit bien trempé, on n’envoie aux colonies que de jeunes soldats, encore sans expérience. Ils abordent, tremblans, la constitution ébranlée par les souffrances de la traversée, le moral affaibli par les impressions nostalgiques et par la terreur que leur causent les idées reçues sur le soleil meurtrier des Antilles. On croit avoir pris assez de soins pour leur acclimatement quand on leur a fait passer trois mois à la campagne, et on les jette ensuite dans les cités, seuls foyers de l’infection. En cet état le moindre excès ouvre entrée à la maladie qu’ils redoutent, et les voilà à l’hôpital, atteints de la

  1. Platon, liv. II, des Lois.