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à quelles conditions il leur fut permis de posséder des hommes, ne voient plus dans leurs nègres qu’un meuble absolument identique à tout autre meuble, sur lequel ils ont des pouvoirs que l’on ne peut vérifier sans offenser la justice ; c’est pour cela qu’ils ne croient point que leur propriété pensante soit une propriété exceptionnelle, à laquelle on a mis des restrictions aux droits généraux de la propriété ; c’est pour cela qu’arrivés à ne croire à leur pouvoir domestiques d’autres limites que celles de leurs conscience, ils comparent leur omnipotence à celle du père de famille dans l’antiquité ; c’est pour cela que devenus hauts justiciers depuis des siècles sur leurs domaines, ne rendant de compte à qui que ce soit, accoutumés à un arbitraire dont l’éloignement assurait l’impunité, ils s’irritent orgueilleusement de la moindre intermission métropolitaine ; c’est pour cela qu’aujourd’hui ils se révoltent contre la surveillance ; c’est pour cela enfin qu’ils crièrent à la violation des lois lorsque parut l’ordonnance du 5 janvier 1840.

Que voulait cependant cette ordonnance ? Les parquets des colonies, toujours pleins d’obséquiosité pour leurs justiciables, démontrèrent clairement par un travail fort lucide et abondamment répandu, que ses dispositions ne faisaient que remettre en vigueur des dispositions analogues de la législation coloniale non abrogées, que 1840 n’avait rien innové sur 1685 ; mais la raison a-t-elle aucun empire sur l’esprit de gens prévenus ? Les créoles ne voulurent rien entendre. Retranchés derrière la loi du 24 avril 1832, dont ils font leur charte, parce qu’elle reconnaît leurs droits acquis ; ils arguèrent des consécrations du

    envers ses esclaves. L’empire de la persuasion, l’intérêt, la vanité, l’orgueil sont les freins uniques que l’on puisse opposer à un désordre aussi révoltant. L’intention de Sa Majesté est que les sieurs de Bouillé et Tascher, y veillent avec le plus grand soin, qu’ils distinguent par leurs égards, les maîtres cruels d’avec ceux qui traitent humainement leurs esclaves, et qu’ils excluent les premiers de toute distinction, de tout grade, de tout emploi, et qu’ils donnent enfin pour eux l’exemple du mépris et de l’indignation. »