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d’intervenir entre l’un et l’autre, il a toujours fait une distinction pour la chose humaine, parmi les choses dont un planteur a besoin. Il détermine les conditions dans lesquelles on pourra l’employer, il réglemente les pouvoirs du maître, il définit son autorité, avec sa responsabilité, il établit ses devoirs relativement à l’entretien, à la nourriture, à l’instruction religieuse, à la vieillesse, à la maladie des nègres ; il charge les officiers et procureurs de punir les traitemens barbares et inhumains, il pénètre despotiquement dans l’intérieur le plus intime des habitations, il leur fait défense expresse, par exemple, d’employer un économe qui ne serait pas catholique. L’ordonnance de Louis XVI, du 15 octobre 1786, va plus loin, comme nous l’avons déjà dit, elle impose un hôpital à chaque habitation, elle concède un jardin aux esclaves, elle défend de faire travailler les femmes enceintes et les nourrices. Enfin, elle prescrit de nouveau les visites domiciliaires et prononce la peine de mort pour le maître qui aura fait périr un esclave. — La servitude des nègres, il est donc bien certain, ne fut accordée aux colonies qu’avec restriction, on l’avait même colorée de l’utilité dont elle serait à ces malheureux par le moyen de l’instruction religieuse qu’ils devaient recevoir, et le Code noir s’était réservé et consacrait d’une manière formelle (art. 26) le droit de patronage et de visite. Mais c’est précisément le vice radical de la servitude que l’on ne puisse y veiller sans compromettre l’institution et la saper par la base. Aussi fut-on obligé de laisser la loi se taire et de finir par livrer l’esclave à l’autorité absolue du maître[1], C’est pour cela que les créoles oubliant

  1. Lisez les instructions données le 7 mars 1773 à MM. Bouillé et Tascher, allant occuper les deux premiers postes de la Martinique : « La plupart des maîtres sont des tyrans qui pèsent en quelque sorte la vie de leurs esclaves avec le produit d’un travail forcé. Cet excès trop commun ne peut cependant être corrigé par la loi, parce qu’il reste trop souvent inconnu, et qu’il est presque toujours impossible d’acquérir les preuves. Il serait d’ailleurs dangereux de donner aux nègres de spectacle d’un maître, puni pour des violences commises