n’ai pas peur d’un duel, le plus grand péril que je pusse courir au milieu des plus fous de nos colons, et que j’ai très peur d’être fouetté, goudronné et pendu. » — Pour moi, je comprime avec effort les sentimens de haine qui m’agitent en pensant à ceux qui défendent ainsi une propriété inique, et je n’hésite pas une minute à l’avouer, aux risques de ce que les hommes faibles penseront de mon âme, je souhaite que ces expéditifs pendeurs soient un jour tous pendus par des esclaves révoltés. À chacun selon ses œuvres. « S’ils ne vous écoutent pas, dit Jésus aux apôtres, secouez en sortant la poussière de vos pieds ; je vous dis en vérité qu’au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement que cette ville. » (Saint Mathieu, ch. 10, v. 15.)
Mais non, révoquons des paroles de colère, indignes d’une époque de lumière et de charité comme la nôtre. La France, qui donna au monde en 93 le signal de la délivrance des nègres, ne veut pas rester aujourd’hui au-dessous de l’Angleterre. L’évènement qu’elle prépare étouffera les crimes qui nous désolent, par la puissance de sa générosité, et c’est encore une des raisons qui doivent décider les législateurs à en accélérer l’heureux accomplissement. L’émancipation française aura une influence incalculable sur les destins de tous les esclaves noirs du globe ; elle entraînera infailliblement l’émancipation des îles danoises qui n’attendent que nous, et des petites propriétés hollandaises. Il ne restera plus dans l’Archipel que les deux possessions de l’Espagne encore livrées à l’esclavage ; mais comment l’Espagne se refuserait-elle à la voix des nations, la suppliant en faveur des nègres[1] ? Et quand il n’y aura plus d’esclaves dans les Antilles et les Guyane, quand
- ↑ Dans un prochain volume, lorsque nous jetterons un coup-d’œil sur Cuba, il nous sera facile de démontrer que si la France voulait se réunir à l’Angleterre pour mettre un terme à la traite, la damnable prospérité de cette île s’affaisserait en quelques années sur elle-même, comme le géant à la tête d’or et aux pieds d’argile.