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périront avec le temps, comme les populations d’Indiens que les planteurs et les mineurs espagnols ont dévorées tout entières. »

Il n’y a que des pays à esclaves qui puissent encore fournir à l’homme l’occasion de montrer et d’exercer ainsi les instincts de férocité que développent chez lui les conséquences du despotisme sous toutes les formes. Vous le voyez-bien, il faut faire disparaître l’esclavage de la terre.

Et puisque nous parlons de l’Amérique du nord, disons que ce qui s’y passe est à nos yeux un des spectacles les plus affligeans qu’ait jamais offerts le monde. Le sénat de Washington a déclaré crime de lèse-nation toute proposition tendant à détruire la servitude des noirs ! La république veut garder l’esclavage ! Elle ne se contente pas de violer à la face de l’univers la première loi sur laquelle repose son existence politique, le principe sacré au nom duquel elle a fait sa révolution, en abrutissant ses nègres par tous les moyens imaginables ; elle permet au lynch-law d’outrager chaque jour la civilisation en livrant aux plus ignobles tortures et à des morts dégoûtantes les hommes qui osent revendiquer la liberté pour tous les membres de l’espèce humaine. Il n’est aucune cruauté des âges les plus barbares dont les États à esclaves de l’Amérique du nord ne se soient rendus coupables envers les abolitionistes. On en peut lire le détail dans un article du London and Westminster Review[1]. Les chrétiens ne furent pas plus persécutés par les païens que les ennemis de la servitude ne le sont chez les faux républicains des États-Unis. On m’a demandé deux ou trois fois avec ironie pourquoi je n’allais pas prêcher mes doctrines dans la Virginie, la Caroline ou la Louisiane, comme dans nos colonies. J’ai répondu fort simplement : « Parce que je savais trouver aux colonies de nobles adversaires, et dans la Virginie, la Caroline ou la Louisiane d’atroces sauvages ; parce que je

  1. Un extrait de cet article a été traduit dans le numéro du Temps du 29 mars 1839.