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barrasser et n’être plus responsable de leurs méchantes actions. En somme sur les quatre mille sept cent trente esclaves faits libres depuis 1830, nous croyons être exagérés en faisant monter à trois cents le nombre des nègres de jardin, de ces nègres d’atelier qui constituent véritablement le corps de l’esclavage. « J’ai vu ces choses de près, et je puis assurer qu’il est presque sans exemple que des concessions de liberté aient été faites à des esclaves prediaux[1]. »

Mais pourquoi tous ces calculs ? il y a une chose sans réplique possible qui les rend inutiles, c’est que la population esclave augmente d’année en année dans nos colonies ; ce qui constate, comme nous l’avons fait remarquer, les améliorations introduites dans le régime des ateliers par l’humanité des maîtres ; mais ce qui ne laisse aucun espoir de voir l’esclavage se fondre peu à peu dans leurs largesses.

Un autre moyen de juger ce qu’il faut attendre de l’avenir, en laissant le soin de l’abolition aux vices et aux vertus des créoles, serait de comparer par année le nombre des affranchissemens. On verrait que de 1837 à 1840, il est tombé successivement de huit cent quatre-vingt dix-huit à trois cent quatre-vingt. Jugés d’après cette échelle de proportion, les habitans ont chaque année moins de vices et de vertus, et l’on trouverait qu’ils n’en auraient plus du tout avant deux lustres, si l’on voulait appliquer à cette décroissance les calculs de probabilité. Décidément ils ne peuvent rien sous ce rapport, et ce serait une folie d’autant plus grande d’espérer laver par cette voie la tache qui souille encore leur société, que la loi elle-même recommence déjà à faire obstacle aux généreux.

On s’est aperçu que de méchans maîtres profitaient du bon principe pour se débarrasser des invalides, et que plusieurs nouveaux affranchis, en raison de leurs infirmités, se trouvaient hors d’état de pourvoir à leur subsistance. Dans le but d’impo-

  1. Considérations sur le système, etc. Rappelons encore que l’auteur, M. Sully Brunet, est un ancien délégué des blancs de Bourbon.