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ces deux actes que le nombre des affranchis de 1830 est devenu si considérable ; prouvons-le. Dans les trente-quatre mille libertés reconnues, la Martinique, au moment où nous nous y trouvions (avril 1841), entrait pour vingt mille quatre cent vingt-six ! Or, un relevé des affranchissemens martiniquais que nous avons fait faire et que nous présentons ici[1] ; établit de la manière la plus irréfragable que, sur les vingt mille quatre cent vingt-six nouveaux libres, il y en a quinze mille cent soixante-quatorze qui ne sont que des libres de fait, dont la position sociale n’était pas auparavant déterminée.

Pour que le lecteur européen comprenne ce qui vient d’être dit, il est nécessaire de lui donner une explication. Jusqu’à ce que l’ordonnance de 1831 le défendit, le fisc prélevait une prime d’abord de 3, 000 fr., plus tard de 1, 200 fr., versée dans la caisse coloniale, sur chaque patente d’affranchissement ; et l’administration, en outre, pour délivrer un titre légal d’émancipation, exigeait que le maître assurât les moyens d’existence de l’affranchi. Beaucoup de maîtres voulant émanciper un esclave, mais ne voulant pas contracter une aussi lourde obligation, disaient à l’esclave : « Vas, tu es libre. Je fais abandon de tous mes droits sur toi, » et généralement, dans ce cas, lui per-

  1.   On a donné à des libres de fait, à des esclaves.
    En 1830 159 titres de liberté, 157   22  
    1831 2,282 2,175   107  
    1832 8,776 8,034   742  
    1833 2,129 1,845   282  
    1834 2,194 1,445   749  
    1835 1,072 448   624  
    1836 1,188 417   771  
    1837 998 215   683  
    1838 901 315   386  
    1839 447 78   369  
    1840 380 65   315  
      20,426   15,174   5,252  

    Nous renvoyons à la fin du volume, le tableau détaillé avec les dates des arrêtés (b).