CHAPITRE XXII.
MOYENS TRANSITOIRES D’ARRIVER À L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE.
§ Ier.
ÉMANCIPATION SUCCESSIVE LAISSÉE À LA LIBÉRALITÉ DES MAÎTRES.
Amené au point où nous en sommes, et analysé de la sorte, le droit de l’homme sur l’homme, aux yeux même des colons, n’est plus qu’un fait et un fait mauvais. Ils accordent qu’il est juste de le détruire, mais ils reculent indéfiniment l’heureux jour ; ils laisseraient volontiers le fardeau à leurs fils, et plusieurs nous disent : Ne vous occupez pas de cette destruction, n’en troublez point notre société ; elle s’opérera d’elle-même et par nous-mêmes, dans le temps et dans l’espace. Nous avons déjà émancipé plus de trente-quatre mille esclaves en dix ans, sans réclamer d’indemnité. Il n’y a jamais eu résistance systématique de notre part à l’abolition de l’esclavage, elle ne nous paraît impossible qu’à cause du mode d’exécution qu’on veut employer malgré nous. Laissez faire à nos vices et à nos vertus, laissez faire au temps ! — Comme si l’histoire ne nous apprenait pas que le temps n’accomplit rien tout seul, en morale comme en politique, et qu’il veut être aidé.
Expliquons ce qu’il faut entendre par ces vices et ces vertus étonnés de leur association, et chargés ensemble de la grande tâche qui nous occupe. Les vices affranchiront les enfans nés du libertinage, les négresses qui se seront livrées aux blancs ;