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uns y périront, sans doute ; on ne peut l’envisager sans douleur, mais nous ne voyons d’autre moyen de sauver les colonies qui languissent écrasés sous l’usure. C’est la situation extrême d’un grand danger où il faut sacrifier quelques hommes pour relever le vaisseau prêt à sombrer.

Afin de parer autant que l’humanité et la justice le désirent aux malheurs particuliers qu’entraînerait une telle mesure, nous proposerions que le décret d’affranchissement déclarât la moitié de l’indemnité insaisissable.

Les colonies n’eussent-elles pas à subir la crise de l’affranchissement, devraient toujours en venir à l’expropriation forcée, mais l’affranchissement prenant place, comme cela doit être, la mesure césarienne devient impérieuse. L’abolition a besoin pour réussir vite de tous les élémens de succès, et la première condition c’est que le propriétaire, quel qu’il soit, se trouve dans une position financière, franche et pure, qui permette à des banques coloniales de s’établir et de lui prêter l’argent dont il a besoin pour ses exploitations à un taux modéré, comme il arrive maintenant dans les colonies anglaises.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’expropriation forcée occupe les îles. En 1829 un projet d’ordonnance ayant pour but de prescrire la publication du titre XIX du Code civil, fut soumis inutilement aux administrations locales. Plusieurs fois saisis de la question, les conseils coloniaux y auraient donné leur consentement, si la plupart des membres liés par leur gêne pécuniaire, n’entraînaient le petit nombre qui se laisse aller, tout en sentant bien que le statu quo empire la plaie et mène à la ruine.

« Je ne conclus pas à l’abolition immédiate de l’esclavage, nous écrivait M. Lignières, mais bien à une abolition qui serait prononcée dans un certain temps que je réduirais à cinq ans pour en finir le plutôt possible…

« Ne trouvez point ce délai trop long, songez encore qu’il faut bien que vous nous laissiez nous débarrasser un peu de la lèpre qui nous ronge ! la dette. Vous compteriez ici des abolitionistes