CHAPITRE XXI.
COMMENT L’INTÉRÊT PRÉSENT DES PLANTEURS S’OPPOSE À L’AFFRANCHISSEMENT.
Nous n’avons pas tout dit. IL faut pénétrer au fond des cœurs. Ce n’est pas seulement la crainte de la paresse des nègres qui entretient la résistance des colons à l’émancipation, l’intérêt personnel qui explique tant de choses de ce monde faites pour épouvanter le juste, y entre encore pour une large part. La condition actuelle de leurs fortunes exerce une fatale influence sur leurs résolutions. — Afin de se rendre mieux compte de cela, on est obligé de remonter un peu haut.
Lors de la fondation des colonies on n’y appliqua point, dans le dessein d’y favoriser les établissemens nouveaux, la législation qui soumet le débiteur insolvable à l’expropriation forcée ; on jugea nécessaire de protéger les spéculateurs qui allaient organiser une nouvelle industrie sur les terres tropicales. Cette législation ne manquait ni de sagesse, ni de portée de vue. Une habitation n’est pas une entreprise que l’on puisse créer aisément, elle demande de vastes terrains, des usines dispendieuses, des bâtimens considérables, des bœufs, des mulets, des travailleurs en grand nombre ; elle exige de gros capitaux. Tout cela ne pouvait se faire qu’avec du crédit, et la métropole qui fondait de riches espérances sur ces grandes machines nouvelles, ne voulut point qu’un créancier mécontent