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d’en être altéré et affamé. Si l’on est à la fois bon et juste, il est impossible que l’opération ne réussisse pas ; car se faisant sur une grande échelle, chacun étant obligé de payer pour soi-même, il est impossible que le manque total de ressources du plus grand nombre, et l’embarras d’appuyer l’existence sur des moyens précaires et irréguliers, ne ramènent les individus à l’ouvrage aussi vite qu’il est possible de l’espérer.

Surtout que l’on ne se méprenne pas sur nos paroles, nous ne prétendons pas du tout que les nègres fourniront dès les premiers temps la même quantité de travail que par le passé, il nous paraîtrait aussi puéril de je vouloir, que d’y compter. Nous nous en sommes déjà expliqué en 1839, « rien n’exciterait plus notre dégoût que des efforts sans bonne foi, pour démontrer qu’un esclave produira le lendemain de son émancipation autant qu’il produisait forcément dans les fers. À quoi donc lui servirait la liberté si ce n’est à délier ce qui était lié, à mobiliser ce qui était immuable. » Les nègres feront ce qu’il est naturel qu’il fassent, ils voudront jouir de l’indépendance, et il y aura certainement une diminution momentanée dans la masse des produits, avec le froissement des intérêts particuliers qui peut en être la conséquence. Que promet le catholicisme aux adeptes dans le paradis ? Le repos. Les esclaves voudront certainement jouir un peu du paradis-liberté. Mais l’affranchissement encore une fois est une opération chirurgicale, les légers troubles qu’il fera peut-être éprouver au corps social ne doivent point être un obstacle à sa réalisation. Un homme peut dire j’aime mieux mourir que de subir l’opération ; il parle pour lui, mais les colons ne parlent pas pour eux seuls. C’est en prévision d’un déficit probable de travail, que nous avons insisté au commencement sur la nécessité d’une émigration qui serait aussi profitable pour les îles que pour la métropole. Peu à peu d’ailleurs les besoins se manifesteront, et pour y répondre on se remettra sans regret à l’ouvrage. Devant un produit réel, certain, palpable du labeur, les souvenirs du passé changeront infailliblement, Le travail trouvera