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point justice que les fonds de l’État, que les fonds appartenant à tous, viennent en aide à ceux qui subissent une nécessité imposée par l’honneur de tous, pour la satisfaction de tous ? Si nos sucres ne se présentaient pas sur les marchés de France avec les mêmes avantages que le sucre des colonies anglaises trouve sur les marchés de leur mère-patrie, il en résulterait que le colon anglais pouvant offrir un prix plus élevé de la journée à ses travailleurs, attirerait chez lui nos nouveaux affranchis ; car nous ne comprendrions pas une liberté qui interdirait aux citoyens la faculté de chercher, en pays étranger, des avantages qu’ils ne rencontreraient pas toujours sur le sol natal. Nos îles seraient ainsi exposées à de fréquentes émigrations ; de là, diminution de la population active, cessation de travail, absence de revenus, embarras, misère. Les utiles compensations que nous réclamons étant le corollaire indispensable de l’émancipation, devant assurer en grande partie le succès de l’œuvre sérieuse et difficile que nous entreprenons, devraient être accordées concurremment avec l’affranchissement pour placer le remède à côté du mal. »

Nous voici un peu loin du point d’où nous sommes partis, mais le lecteur nous excusera : la question du salaire, dans la question de l’affranchissement, est une des plus importantes. Il était utile aussi que la France, en votant l’abolition, sût bien tout ce qu’il lui en devra coûter, et qu’elle ne pût regretter plus tard quelques sacrifices pour ne les avoir pas envisagés tout d’abord. La grandeur de notre cause s’accommoderait mal de rien cacher. Il faut, ou garder l’esclavage avec ses horreurs, où donner l’affranchissement avec ses conséquences.

Que les nègres émancipés reçoivent une juste rétribution de leur travail, et ils travailleront. Aimons nos frères, pensons à nous-mêmes en pensant à eux, et veuillons avec un sincère amour du prochain que le fruit de leurs peines leur procure une vie facile et légère. N’oublions pas que le supplicié du Golgotha à recommandé d’aimer la justice avec passion, qu’il n’y veut point de calme ni de restriction, qu’il nous a commandé à tous