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Rico, du Brésil, de la Louisiane, et tout en ruinant les planteurs des West-Indies, porterait un coup mortel à la civilisation des nègres émancipés, et à la grande épreuve que le parlement a l’honneur d’avoir commencée. Ce serait après avoir donné 500 millions, il y a huit ans pour créer la liberté payer aujourd’hui une prime pour perpétuer la traite et l’esclavage.

C’est déjà un grand malheur que le parlement et le gouvernement de la Grande-Bretagne n’aient point une idée formelle et arrêtée sur une matière aussi grave. L’indécision où on laisse les planteurs anglais sur leur avenir compromet leur présent. Ils ne pourront prendre de mesures décisives et marcher nettement dans les voies nouvelles, tant que la métropole ne leur garantira pas un état de choses stable et régulier, tant qu’ils ne sauront pas sur quelle base opérer, tant qu’ils auront toujours à craindre des mouvemens dans les droits qui assurent le placement de leurs produits.

Loin de partager les idées de nos frères radicaux d’Angleterre à ce sujet, nous sommes, au contraire, disposé à toutes les concessions qui pourraient faciliter le passage de l’esclavage à la liberté. Aucun sacrifice, à notre avis, ne doit être épargné pour que pas une voix sur la terre ne maudisse l’affranchissement. Tout doit être employé afin d’adoucir le choc qu’auront à supporter les fortunes coloniales, C’est pourquoi nous nous associons complètement au vœu que M. Alphonse Bouvier, jeune planteur, dont nous avons déjà eu l’occasion de louer les heureuses inspirations, a exprimé en ces ttermes, dans un mémoire encore inédit sur l’abolition.

« Pour éviter de compromettre la fortune des créoles dans les embarras et les ralentissemens des premières années d’indépendance, il faudrait que la France protégeât les produits du travail libre, comme elle protège la liberté ; qu’elle accordât aux produits obtenus des ouvriers émancipés des encouragemens et des franchises qui en excitassent les développemens ; en un mot, qu’elle modifiât ses tarifs de douane, en raison des difficultés que la production va rencontrer. Et n’est-ce