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les Romains à leurs mouleurs de farine, et qu’on ne le mutilât si cela devenait une condition d’économie ou de perfectionnement dans son ouvrage.

La grande affaire est de mettre un terme au travail forcé ; s’inquiéter de ce que coûtera le travail libre ne doit venir qu’après.

Sous ce rapport, la question nous paraît avoir été très mal comprise et très mal posée en Angleterre par le ministère whig, lorsqu’il a voulu modifier le système de taxes qui garantit les marchés de la Grande-Bretagne au sucre des îles émancipées.

Il n’y a pas seulement à plaider ici dans l’intérêt égoïste des propriétaires coloniaux, mais encore dans l’intérêt universel du travail libre. En l’état actuel des choses, le système d’exclusion est seul convenable ; l’égalité des droits compromettrait la culture libre. Le peuple anglais ne saurait vouloir cela, et le peuple français ne le voudra pas non plus. Tant qu’il y aura du sucre esclave, il est humain et politique de ne point lui laisser faire concurrence au sucre libre. Nous disons humain et politique, parce que le sucre esclave anéantirait le sucre libre avec les intérêts d’humanité qui y sont attachés, et cela pour un avantage tout à fait éphémère : puisque la servitude devant finir partout, au nom de la dignité de homme, il faudrait, avant peu, revenir aux prix élevés qu’on aurait voulu fuir. Le surcroît de dépense dont on avait intention de soulager le peuple, est une dépense utile. Il est absolument impossible qu’au milieu surtout des premiers embarras inséparables de la transformation, les produits anglais puissent lutter avec les produits étrangers ; la main qui lèverait les droits presque prohibitifs qui frappent ces derniers[1], ouvrirait les portes de la Grande-Bretagne aux denrées coloniales de Cuba, de Puerto-

  1. Le droit sur les sucres coloniaux est de 24 shillings, plus cinq pour cent de surtaxe (34 fr. 50 c.) par quintal anglais (cinquante-six kilogrammes) ; sur les sucres étrangers il est de 65 shillings, plus les cinq pour cent de surtaxe (82 fr. 70 c.)