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Nous avons bien entendu les maîtres anglais s’indigner d’être à la discrétion des laboureurs au lieu de les avoir à leur merci, gémir de ne point posséder le droit de fixer la journée des nègres, mais en les écoutant nous avions encore le cœur ému des cris de souffrances de nos prolétaires qui disent que ce droit, dont les maîtres jouissent ici, a réduit leurs gages au-dessous de ce qu’ils doivent être pour les faire vivres honnêtement.

Loin de nous est la pensée de vouloir remplacer une tyrannie par une autre, nous avons une haine vigoureuse contre tous les despotismes, qu’ils viennent d’en bas ou d’en haut. Ainsi nous ne voudrions pas justifier les exigences des nègres par celles qu’auraient les blancs, si les positions changeaient ; mais nous sommes entré chez les laboureurs anglais, nous avons regardé leur vie ; et la pauvreté de leur demeure, la modestie de leurs habitudes, la simplicité de leurs femmes, nous ont convaincu que les reproches des propriétaires étaient injustes. Le salaire peut être excessif, comparativement à ce que les conditions de l’esclavage avaient établi, il ne l’est assurément pas comparativement au bien-être de ceux qui le gagnent. Si ce peuple régénéré qui bénit chaque jour l’avènement de l’indépendance est assez heureux pour être assuré de la vie matérielle, pour échapper aux impositions sordides des capitalistes et ne travailler que quand il a besoin de luxe et de beaux habits, c’est une chose dont les anciens propriétaires peuvent être chagrins, mais dont les amis de l’humanité ne peuvent que se réjouir profondément. Qui ne préférera ce retour vers la barbarie, ces effets de la tyrannie du prolétaire à ceux de la tyrannie des riches qui ont amené les union houses à la suite de la loi des pauvres en Angleterre, et qui ont dressé le lugubre étendard des ouvriers de Lyon, sur lequel le monde a pu lire avec compassion et terreur : Du pain ou la mort ! Tant que l’association du travail et du capital ne viendra pas faire de l’employeur et de l’employé des compagnons également intéressés à la chose commune par un bénéfice proportionnellement égal, forcé de