tristes penchans que vous déclarez être ceux de vos esclaves, la liberté, nous en sommes sûrs, saura en tirer meilleur parti. Il faut que la vue des dégradations de l’esclavage vous ait bien pervertis vous-mêmes pour que vous ignoriez à ce point les ressorts du cœur et des instincts humains. Le caractère essentiel de l’homme combat les funestes pronostics que vous portez sur l’affranchi ; l’homme livré à lui-même aspire toujours à mieux lorsqu’il a la connaissance du mieux, et travaille sans cesse pour l’obtenir. Les nègres sont hommes ; si l’on pouvait en douter encore, leur vanité, leur orgueil suffiraient à le prouver ; l’usage de la vie leur créera des besoins artificiels comme à nous, et ces besoins augmenteront comme chez nous avec les moyens de les satisfaire. L’éducation, la jouissance de leurs droits, le mariage, le développement de leurs facultés ne tarderont pas à leur en donner. La fréquentation des hommes civilisés les initiera aux nécessités factices qui soutiennent l’industrie. Comment croire que l’homme libre se satisfasse avec ce qu’il avait, esclave ? pensez-vous qu’alors les nègres se contentent de morue pour toute nourriture, de grosse toile pour tout habit, de calebasses pour toute vaisselle ? ne les voyez-vous pas, même dans la servitude, acheter des gilets de satin ? ne voyez-vous pas leurs femmes rechercher les bijoux d’or, les robes de soie et de mousseline ? Bientôt, dans un livre qui suivra celui-ci, nous vous ferons voir aux colonies anglaises des affranchis ayant déjà cabriolet.
Avec les dispositions qu’ils montrent à imiter les blancs, nous serions fort surpris que les nègres tardassent long-temps à prendre nos habitudes. Il y a chez eux, tels que nous les avons vus dans l’esclavage, une incohérence qui deviendra de l’imagination en se réglant dans la liberté. Le nègre peut passer des mois entiers en guenilles et se couvrir ensuite sans embarras des plus magnifiques habits ; il a un goût effréné pour la parure, pour le luxe, et une extrême aisance à s’y livrer quand il en a la possibilité. Un de nos paysans ne voudra pas porter telle ou telle chose, parce que c’est trop beau ; à un nègre jamais