CHAPITRE XX.
LES ÉMANCIPÉS TRAVAILLERONT SI ON LES DIRIGE BIEN.
Le nègre une fois libre, nous assure-t-on, ira dans les bois manger les fruits des arbres au pied desquels il se couchera le jour pour danser la nuit. — Mais les forêts des Antilles, toutes puissantes qu’elles soient, n’ont pas de quoi nourrir spontanément deux cent mille hommes, il faudra bien travailler, à moins qu’on ne trouve moyen de vivre de feuilles et de branches.
On nous menace beaucoup des bois, c’est une chimère. En Haïti, où les nègres végètent dans la licence créée par un gouvernement immoral, aux îles anglaises où ils sont désormais libres, les voit-on aller chercher la vie sauvage au fond des forêts ? — Lorsqu’en visitant les habitations, nous voyions la familiarité des rapports entre le maître et l’esclave, nous disions aux maîtres : Comment me ferez-vous croire que ces gens-là, lorsqu’ils seront libres, n’aimeront pas mieux vivre en paix à vos gages sur une terre où ils ont leurs habitudes d’enfance, plutôt que d’aller courir les bois et se livrer à toutes les chances du hasard ? « Oh ! pour mon compte, m’était-il répondu, je ne crains pas l’affranchissement, pas un de mes nègres ne me quittera, et si je repousse vos projets, c’est parce que je pense aux autres qui perdraient tout leur monde. » Parmi les planteurs, huit sur dix nous tenaient ce langage, et se montraient persuadés que chez eux le travail serait peu compromis. Tout