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Si l’on daignait juger les nègres tels qu’ils sont encore, avec un peu plus de critique historique, on n’aurait pas d’eux l’opinion qu’on en montre ; on ne lancerait pas contre eux les paradoxes avec lesquels on espère couvrir le crime de la servitude. Les Germains n’avaient pas même l’excuse de la chaleur du climat pour expliquer leur fainéantise. Qui n’aurait pu dire alors, en se mettant au point de vue étroit des ennemis des nègres, que cette fainéantise était chez eux vice de nature ? Civilisez donc les esclaves, et ils deviendront ce que sont devenus les Germains et les Israélites. L’indolence n’est pas même d’une manière absolue le propre de l’abondance, elle tient au sommeil des facultés intellectuelles ; et nous prouverons, nous l’espérons du moins, que les influences du climat dont nous reconnaissons d’ailleurs la force peuvent être facilement combattues.

Lorsque la paresse se perpétue au sein de la civilisation, c’est la faute de la civilisation. Rien n’est donc moins philosophique que d’accuser l’Africain de fainéantise constitutionnelle, ce n’est pas l’Africain dans l’homme esclave qui est fainéant, c’est l’esclave ; de même que dans le lazzarone de Naples, le lepero du Mexique, l’Ibaro de Puerto-Rico, ce ne sont ni le Napolitain, ni le Mexicain, ni le Puerto-Ricain qui sont fainéans, mais bien le lazzarone, le lepero et l’ibaro. Changez le milieu et l’homme changera.

Ne nous occupons que du nègre des Antilles. Il ne montre aucune ardeur à l’ouvrage, il y répugne, précisément parce qu’il y est forcé ; il ne se presse pas, parce qu’il ne gagnera rien à se presser ; obligé de donner tout son temps, il le donne le moins serré possible, c’est tout simple ; dans les ateliers d’Europe n’a-t-on pas besoin d’un contre-maître pour activer et tenir en haleine les ouvriers à la journée. Ne préfère-t-on pas toujours les mettre à la tâche, quand cela est possible ? Il s’établit nécessairement une lutte entre le maître et l’esclave, celui-ci cherche à donner peu, car tout ce qu’il ne donne pas de fatigue est autant d’épargné pour lui ; celui-là cherche à avoir