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biles au nègre, des inclinations innées chez lui, c’est ignorer les lois de l’humanité. La paresse n’est le mal de nature d’aucune race d’hommes, dès que la civilisation leur a montré les avantages du travail ; seulement leur activité reste à l’état virtuel jusqu’à ce qu’une circonstance plus ou moins heureuse la vienne développer. Les Caraïbes ne travaillaient pas, les Indiens de la Guyane ne travaillent pas. La paresse est commune à tous les hommes sauvages. Les Germains n’en faisaient pas plus que les Africains.

« Ils ont tous pour vêtement une saye qu’ils attachént avec une agraffe ou avec une épine, à cela près, ils sont nus et passent les journées entières auprès de leurs foyers[1]. Ils prolongent presque tous leur sommeil jusques dans le jour[2]. Le temps qu’ils ne donnent pas à la guerre, ils en passent un peu à chasser, beaucoup à manger et à dormir, sans s’occuper de rien. On voit les plus braves et les plus belliqueux abandonnant aux femmes, aux vieillards le soin de la maison, des pénates et des champs, languir eux-même oisifs et désœuvrés[3]. » N’est-ce pas textuellement ce que les écrivains espagnols nous disent des Caraïbes ? L’homme ignorant prend la paresse pour le repos.

Les Israélites au sortir des fers égyptiens, bruts et grossiers, avaient aussi la haine du travail, ils ne voulaient plus rien faire, et lorsque Josué eut disposé le partage des terres conquises, il y eut sept tribus des enfans d’Israël qui ne s’empressèrent pas du tout d’aller prendre possession de leurs lots ; ils jouissaient du far niente, et il y a grande apparence que cette disposition n’était pas nouvelle chez eux, car Josué leur disait en colère « jusques à quand croupirez vous dans la paresse[4]. »

  1. Tacite, Germanie, liv. xvii.
  2. Liv. xxii.
  3. Liv. xxiv.
  4. Josué, ch. 18, v. 3.