Rien ne pourra vaincre, disent-ils, la paresse native de l’homme noir ; « le travail lui est antipathique, et l’imprévoyance est dans sa nature[1]. » À cela nous ayons une première chose à dire : si vous êtes convaincus que le nègre est nativement paresseux, nous vous tenons pour dénués de sens commun de persister à vouloir faire travailler un être que la nature n’a pas destiné au travail ; d’un autre côté, si vous croyez que cette paresse native puisse être vaincue par des moyens coërcitifs et les douleurs du fouet, nous vous tenons pour mauvais logiciens de ne pas croire qu’elle puisse être vaincue par les passions humaines, les moyens moraux et les douces voies de l’éducation. Ainsi, sur votre propre terrain, nous vous battrions aisément ; mais à notre avis, vous vous êtes trompés : votre proposition, absolue comme vous la posez, est une complète erreur ; elle n’a quelque chose de vrai que relativement. Au lieu de s’appliquer au nègre seulement, elle s’applique à l’homme tropical et surtout esclave.
Le colon n’est pas moins indolent que le nègre, et l’européen lui-même si actif, si impétueux d’abord, quand au bout d’un an il a jeté son premier feu, subit l’influence du climat. Il n’échappe point à cette main brûlante des Antilles qui énerve tous les êtres vivans. Il y aurait mille contes amusans à citer pour donner une idée de la part qu’il faut faire au soleil dans les pays chauds. On voit aux colonies des garçons blancs de sept et huit ans auxquels il faut une négresse pour s’habiller ? Une créole assise laisse tomber son mouchoir à côté d’elle. — Elisia, crie-t-elle avec nonchalance. — Mame, répond l’esclave une minute après, et trois minutes se passent ; alors la maîtresse appelle encore sans humeur, sans colère, tant l’habitude est prise. Elisia ? — Moi qu’a vini, mame, reprend l’autre ; mais tout le monde sait qu’un moi qu’a vini des Antilles se prolonge toujours de cent vingt à cent cinquante secondes. Deux minutes
- ↑ Commission du conseil colonial de la Guadeloupe, 4 décembre 1838.
taire ne va pas à 400 livres par an. (Observations sur la situation politique de Saint-Domingue, par M. de Pons, habitant, 1790.)