Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des blancs, et des blancs d’Europe qui exploitent ces terres plus redoutées que redoutables. Dans les lettres d’établissement de la première compagnie française d’outre-mer, celle dite des îles de l’Amérique, créée en 1626, il n’est aucunement question d’esclaves comme laboureurs ; on n’y parle que d’Européens.

On associa de bonne heure aux engagés, des nègres de traite, nous le savons. On en voit à Saint-Christophe, en 1659 ; à la Martinique, en 1642 ; mais ils étaient fort peu nombreux. Le trafic des noirs ne commença à prendre sa meurtrière extension que vers 1644, époque à laquelle l’édit du 28 mai, en constituant la Compagnie des Indes-Occidentales, lui octroyait le privilège exclusif de la traite, depuis le cap Vert jusqu’au cap de Bonne-Espérance. Mais la traite fournissait encore si peu de travailleurs en 1719, que les créoles ayant peine à trouver des engagés volontaires, une déclaration du roi, du 2 mai de cette année, ordonna que les vagabonds et gens sans aveu seraient transportés aux colonies pour y travailler comme engagés. Ce ne fut qu’en 1738 que le nombre des esclaves s’étant accru d’une manière suffisante, on mit un terme à ces expéditions que le roman de Manon Lescaut a rendues célèbres.

Mais si les Européens étaient propres à la culture des colonies, pourquoi songea-t-on à y employer des nègres ? C’est que la soif de l’or est insatiable, barbare, impitoyable, et qu’après avoir épuisé la race rouge dans des travaux excessifs, on voulut avoir d’autres instrumens dont les maîtres pussent disposer sans que per-