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CHAPITRE XVIII.

INDEMNITÉ.

Les propriétaires de Guatemala refusent l’indemnité lors de l’abolition de l’esclavage dans la république. — L’abolition est aujourd’hui une question d’argent. — L’indemnité est due, parce que si le fait de posséder des nègres est illégitime, il n’est est pas moins légal. — L’indemnité pour la terre et les bâtimens est irrationnelle et impossible. — Moyens de déterminer l’indemnité. — 1, 000 fr. par tête d’esclave. — Le trésor rentrera dans ses déboursés.


Un des premiers actes de l’assemblée constituante du Guatemala qui prit, en se séparant du Mexique, le nom de république fédérale de l’Amérique centrale, fut après la déclaration d’indépendance d’abolir l’esclavage (17 avril 1824). On stipula une indemnité pour les propriétaires, mais ceux-ci la refusèrent, disant « qu’ils ne voulaient pas souiller un acte de justice et d’humanité par des exigences égoïstes. » Le corps législatif justement fier d’une mesure si honorable pour la nation fit graver le décret avec la résolution des propriétaires sur une table d’airain, et la plaça dans le lieu de ses séances. La constitution de la nouvelle république du centre américain promulguée postérieurement à cette résolution la confirma d’une manière solennelle par un acte ainsi conçu : « Tout homme est libre dans la république, celui qui se soumet à ses lois ne peut être esclave, celui qui fait le commerce des esclaves ne peut être citoyen (art. 13, sect. II du citoyen.)

De telles résolutions sont grandes et nobles, mais elles ne sont prises que par des peuples livrés à l’enthousiasme d’une rénovation. Nous l’attendrions des créoles si la fortune de la France nous rendait une nuit du 4 août. Mais le temps n’est pas aux sacrifices généreux et d’élan, et la misère où sont plongées les colonies aussi bien que les appréhensions de l’avenir, excusent jusqu’à un certain point les créoles de ne point vouloir donner