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M. Favard, délégué des blancs de Cayenne, délégué instruit, dévoué, doit également être une dupe ou un agent caché de l’Angleterre, car voici comme il s’exprime dans une de ses brochures, en faveur de ses commettans. « C’est une grande erreur de croire l’Angleterre peu intéressée à l’existence de ses colonies d’Amérique, et de supposer que son commerce de l’Inde suffirait pour entretenir sa marine marchande, et préparer les équipages qui montent ses flottes en temps de guerre. On ne réfléchit pas, en accueillant de pareilles idées, à l’importance du commerce des colonies de l’ouest ; lié avec celui du nord, il en est, en quelque sorte, comme l’aliment indispensable, puisqu’en effet c’est dans ses îles d’Amérique que l’Angleterre trouve le débouché des produits de ses pêcheries, véritable pépinière où se forment les équipages de ses vaisseaux. On oublie que ces mêmes colonies consomment annuellement pour une valeur de 120 millions de francs d’objets manufacturés dans leur métropole ; qu’elles alimentent un mouvement d’affaires de 250 millions, et qu’elles occupent une navigation de plus de 250 mille tonneaux. »

Mais si la perfide Albion n’a trompé personne dans l’affaire de l’affranchissement, comme l’abolitioniste ne peut avoir une bonne pensée, on le dit animé par de misérables désirs de vanité. La délivrance des noirs est un piédestal dont il se sert, faute de mieux, pour monter à la popularité ! Prenez garde, messieurs les colons, vous vous condamnez vous-mêmes. Le peuple est donc contre vous, si c’est lui plaire que de s’en prendre à ce que vous avez. L’opinion publique est un écho intelligent ; elle ne répète que les mots bien sonnans. Persuadez-vous donc enfin que l’humanité seule pousse la France à vouloir ce qu’elle veut. Si elle oublie parfois qu’il n’y a pas que des esclaves aux colonies, qu’il y a aussi des maîtres dont un changement doit modifier et peut bouleverser l’existence, c’est que l’acharnement avec lequel vous défendez l’esclavage lui fait oublier que vous n’en êtes pas responsables. Est-ce en vérité au moment où, dès le premier cri qui s’éleva des décom-