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possesseur d’esclaves ! à quoi bon ? la vérité suffit et au delà. Haïr les créoles, mais si nous aimons les nègres par amour de l’humanité, comment pourrions nous vouloir aucun mal aux blancs puisque les blancs sont hommes comme les nègres ? Les philantropes ne haïssent que l’esclavage et ne calomnient personne. Ils n’ont et n’eurent jamais de prévention contre les maîtres : ils n’eurent et n’ont que de la sympathie pour les esclaves. Considérez donc un peu, habitans des colonies ! La loi qui vous autorise à posséder des esclaves, aliène illégitimement la virtualité de l’homme esclave. Elle convertit des personnes en choses. Des hommes, des femmes, des enfans ! troqués, donnés en cadeau, loués, hypothéqués, légués, vendus, facturés, embarqués comme des tonneaux, emmagasinés comme des marchandises ! Nous en appelons à vous même, nous nous adressons à votre équité, à votre bon sens, à votre honneur, entre vous qui demandez le maintien de cette loi,

    colonial, grâce au pouvoir duquel le conservateur des archives voulut bien nous ouvrir ses cartons. « Rappelez-vous que vous avez promis de publier, » me dit M. Bonnet, en commençant ; et lui, M. Sainte-Luce, ainsi que moi, nous nous mîmes à lire toute la correspondance de M. Isambert avec M. Leriché. Rien n’en sortit d’injurieux pour le caractère de l’abolitioniste ; loin de là ; il ne parlait de ses honoraires que comme mémoire, et mettait une délicatesse extrême à demander le remboursement de sommes déboursées par lui dans le célèbre procès des hommes de couleur, exprimant le regret que l’état de sa fortune ne lui permit pas de passer ces choses sous silence. Lorsque nous nous retirâmes, M. Bonnet, toujours intègre, dit à M. Gravier, en souriant : « Vous voyez qu’il faut voir. »

    Ces deux messieurs attesteraient au besoin, je m’en assure, la scrupuleuse exactitude de ce que je viens de raconter. À l’occasion, je ne me fis pas faute d’en parler, mais il n’importe ; long-temps encore on répétera aux colonies que M. Isambert est un homme sans honneur, qu’il fait de son dévouement aux noirs métier et marchandise, qu’il a reçu des sommes considérables souscrites à son profit par la classe libre où quêtées jusqu’au fond des cases à nègres ; et, si vous paraissez en douter, on vous affirmera que la preuve en est dans les papiers de la succession Leriché, au bureau des successions vacantes de Saint-Pierre, Martinique.