Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colonial, n’a-t-il pas, dans un article inséré au Courrier de la Guadeloupe, parodié ainsi un beau vers de Racine :

Je crains le philantrope et n’ai point d’autre crainte.

On déteste bien plus un abolitioniste aux colonies que nous ne détestons en France un possesseur d’esclaves, on l’exècre. Personnellement nous avons eu, pour nous maintenir parmi les créoles, les plus ardentes répugnances à surmonter, les plus violentes haines à affronter, et il n’a pas fallu moins que le fond de générosité de leur caractère pour vaincre les premières antipathies ; mais c’est précisément parce que nous eûmes à nous réjouir de les connaître que nous voudrions les voir jeter aux vieilleries, leurs mauvaises colères contres les abolitionistes. Ces haines détestables ne leur vont pas[1] quoiqu’elles ne doivent surprendre personne ni exaspérer l’Europe contre

    teur absent. Subsidiairement, le séjour en France, le contact des salons de Paris sont devenus une réprobation, depuis quelques expériences qui ont été faites, et sur lesquelles nous nous félicitons d’avoir appelé fructueusement l’attention de nos concitoyens. »

    Est-il nécessaire d’expliquer notre pensée quand nous attaquons les créoles. Les créoles sont des hommes comme nous, bons ou méchans comme nous. Les révoltantes opinions qu’ils professent sur l’esclavage ne tiennent pas à leur qualité de créoles, mais de possesseurs d’hommes. Les européens qui achètent des esclaves ne sont pas les moins cruels envers ces malheureux, ni les moins ardens à vouloir perpétuer leur abjection. Ainsi qu’on vient de le voir, les créoles qui vivent en Europe deviennent presqu’abolitionistes. Il est même à noter que les propriétaires d’esclaves que nous avons pu citer honorablement sont presque tous exclusivement nés dans les îles. — Nous ne saurions oublier en faisant cette observation, que l’un des plus heureux apôtres de la liberté moderne, Barbez, est un fils de la Guadeloupe.

  1. Elles les mènent jusqu’à des calomnies qu’ils regretteraient s’ils étaient de sang-froid. Ainsi, M. Isambert pour s’être constitué le défenseur des sang mêlés est traité aux colonies d’une manière infâme. Je n’ai aucune intimité avec M. Isambert, et il n’a pas besoin d’être défendu, mais il s’est donné avec un si actif dévouement à la cause de l’abolition, que je me crois permis de rapporter une circonstance de mon voyage qui le regarde. Je serais heureux que ce récit éclairât les colons de bonne foi. Sans doute, après l’avoir lu, ils haïront toujours