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n’est pas chez eux qu’on eût trouvé sept lâches pour faire le ministère de l’étranger. Il est impossible qu’avec de pareils hommes l’abolition ne soit pas plus facile qu’ils ne le croient eux-mêmes. Il ne s’agit, pour les faire entrer dans la voie, que de brûler d’un seul coup leurs vaisseaux d’anciens maîtres.

Il est à désirer, avant tout, que les passions s’apaisent un peu, et que l’on s’entende. Pour ce qui est de nous, nous souhaitons avec ardeur que le caractère de notre travail puisse contribuer à un heureux rapprochement. Je ne craindrais pas de dire que les colons ne soutiennent l’esclavage que parce qu’ils ont le malheur de posséder des esclaves, mais soit intérêt personnel aveuglé, soit le ressentiment que finissent par engendrer les longues luttes, on ne peut imaginer à quel degré d’irritation ils sont parvenus envers quiconque attaque leur propriété humaine ; leur exagération va si loin qu’un de leurs défenseurs les plus dévoués a pu dire : « Bons, généreux, hospitaliers en toute autre circonstance, les créoles deviennent des tigres contre celui qui élève la voix en faveur des victimes de leurs

    ne s’était certainement pas fait une si haute idée de l’hypocrisie. » À la même séance on a prononcé ces mots : « Si vous n’êtes traités comme des Français, vous pouvez sans crime, sans devoir être accusés de trahison, renoncer à la protection que la France vous accordait. Je dis que vous le pouvez avec d’autant plus de justice que votre dévouement pour elle ne s’est jamais démenti, tandis que depuis douze ans la protection promise par elle s’est transformée en déception et tyrannie. »

    C’est la révolte à mots couverts.

    Et celui qui a dit cela n’a fait qu’exprimer la pensée de plusieurs. Oui, les exaltés parlent aux colonies de cesser d’être Français, et de se donner à l’union américaine si la métropole ne veut pas leur laisser des esclaves. Pour d’autres, l’union américaine est encore trop libérale, parce que dans les états du nord il y a des sociétés d’Anti-Slavery, et nous avons entendu un habitant, homme de cœur du reste, dire en pleine table devant quinze personnes et sans trouver plus d’un seul contradicteur parmi ses frères. « C’est la Russie qu’il faudrait appeler, elle nous convient et nous lui convenons, elle n’a pas de colonies. » — On vient de voir ce que valent tous ces jets de colère sitôt qu’un danger de la patrie ramène la raison. On y donne tous les esclaves en masse.