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On aurait tort de juger de la majorité créole par des discours comme ceux de M. Mauguin, qui trouve fort mauvais que l’on attaque l’ilotisme, sous prétexte que les plus beaux génies de l’antiquité ont jugé l’ilotisme une fort belle institution ; par des brochures comme celles de M. Lepelletier Duclary, qui fait de la servitude un état paradisiaque ; ou celles de M. Huc, qui soutient la légitimité, qui veut la perpétuité de l’esclavage, et refuse à la civilisation le droit d’y porter la main. « On ne peut nous contraindre, dit ce dernier dans un travail où l’on a regret de trouver du talent, on ne peut nous contraindre à renoncer à ce que notre religion a fondé, d’accord avec la puissance temporelle et législative, et sous la garantie de toutes les lois constitutionnelles de notre pays. Depuis la célèbre déclaration du 5 août 1789 jusqu’aujourd’hui, il n’a pas été promulgué en France un seul acte constitutionnel, quel qu’il fût, qui n’ait uniformément renouvelé et maintenu, comme inviolable et sacré, le principe de la liberté de conscience. Or nos consciences, pour le moins aussi timorées que celles de nos adversaires, loin de nous faire apercevoir une immoralité dans la possession de nos esclaves, ne nous y montrent qu’une occasion d’exercer des vertus inconnues à nos détracteurs, et à la hauteur desquelles tout ce qui les entoure atteste qu’ils ne s’élèveront jamais. Donc on ne peut, sans violer le plus saint des droits, nous priver de nos propriétés ou seulement altérer le mode de leur possession, en accueillant la proposition de l’affranchissement des noirs. »

N’est-ce pas une chose étrange d’entendre sortir de ces lots, où l’un travaille et l’autre profite, où la majorité est conduite à coups de fouet par la minorité, où trône l’iniquité, où règne la terreur, n’est-ce pas une chose étrange vraiment d’entendre sortir de cette société barbare, le reproche d’injustice et de violence adressé à ceux qui la veulent réformer ? Jamais peut-être la civilisation n’a donné une plus grande preuve de son respect pour la propriété ; l’intérêt colonial, avec l’humanité, gagneraient à ce qu’on dépossédât les maîtres d’une possession