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n’obtienne une bourse dans les couvens des dames de Saint-Joseph, que l’état, propriétaire de plusieurs habitations domaniales, n’y ait jamais donné l’exemple de la moindre mesure progressive envers les nègres ? faut-il s’étonner surtout que les journaux des colonies censurés par l’administration ne rendent aucun compte des procès pour sévices contre les esclaves[1], ne publient que les faits contraires au succès de l’émancipation anglaise ; et jamais un de ceux, un seul de ceux qui pourraient modifier chez les créoles les idées fausses qu’ils ont sur la possibilité du travail libre, idées où prend naissance leur principal motif d’opposition à l’affranchissement ? Rien dans nos îles ne peut venir éclairer ni fortifier l’opinion publique, et les craintes de leurs habitans déjà trop prévenus s’augmentent et s’accroissent sans cesse à ce cri toujours répété de leur presse : « Les planteurs anglais sont ruinés, les nègres anglais tournent à la barbarie. » Si l’administration n’était amie de l’esclavage, les journaux censurés des colonies ne citeraient-ils que des documens opposés à l’abolition ?

Avant de terminer, qu’il nous soit accordé deux mots d’explication personnelle. Nous voulions tenir notre ouvrage à une hauteur toute politique, nous voulions éviter de descendre à attacher le blâme à des noms propres. Nous avons cependant été entraîné à le faire, nous le regrettons ; mais quand on voit ces magnifiques contrées menées au désordre qui les perdraient, entretenues dans les haines qui les tueraient, caressées dans l’aveuglement qui les ruinerait, si cela était possible, par ceux même qui devraient les sauver ; l’indignation avec la douleur ne se contiennent plus, et l’on ne peut s’empêcher de signaler les coupables, comme impropres à l’œuvre qu’il faut accomplir.


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  1. Une instruction ministérielle toute récente vient cependant d’enjoindre aux parquets, de rédiger pour le Journal officiel les comptes-rendus des affaires criminelles. C’était un sténographe juré qu’il fallait.