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l’œuvre à des résultats tout aussi avantageux. » On ne peut dire avec plus d’adresse que les planteurs suffisent à l’instruction religieuse des esclaves, et l’on ne peut mieux servir leurs vues secrètes. Le préfet apostolique regarde trente ou trente-deux prêtres, qui sont dans la colonie, comme capables d’instruire une population de cent trente mille âmes, et c’est sans doute parce qu’il pense aussi qu’il y a assez d’églises, pour y rassembler de tous points les ateliers à catéchiser, qu’il ne demande pas l’emploi de 80, 000 francs votés par les chambres, pour bâtir dans les divers districts des chapelles que l’on ne bâtit point[1]. Il est certain que les fonctionnaires en tenant une telle conduite ne s’exposent pas à l’animosité des créoles, mais il est moins certain qu’ils méritent les louanges des gens de bien,

Veut-on apprécier après cela l’homme qui occupe à la Guadeloupe la place d’où l’on agit le plus efficacement sur la population, M. Billecocque, directeur de l’intérieur ; ouvrez l’almanach de cette île pour 1840, publié sous l’omnipotence de sa censure ; vous y verrez que dans une chronologie historique, il fait régner Louis XVII en 93, Louis XVIII le Désiré en 95, qu’il supprime complètement la république, le directoire, l’empire et ne nous accorde Louis-Philippe que sur l’abdication de Charles X. Ces idées là ne sont que ridicules dans un particulier, elles deviennent funestes dans un fonctionnaire public ! Le partisan outré de l’ancien régime, ne doit-il pas instinctivement contrarier tout ce qui est de l’essence du nouveau régime ?

Faut-il s’étonner maintenant qu’aucune impulsion libérale ne vienne d’en haut, que le fisc fasse encore vendre des hommes et des femmes à l’encan, que les planteurs aient encore des cachots de quatre pieds d’élévation, que pas une fille libre

  1. M. l’abbé Dugoujon dans sa lettre à l’Univers, insérée le 3 septembre 1841, révèle que des communes de plus de trois mille âmes n’ont pas d’église. Il cite entre autres à la Guadeloupe celles du Gosier et des Abymes.