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les pouvoirs exorbitans autrefois concédés, que le retour de tout abus, de tout acte arbitraire est impossible. » Vain mensonge ! Quels que soient leurs pusillanimes ménagemens, ils ont agité une fois de plus les colonies sans profit réel pour les esclaves, en jetant un second os aux abolitionistes qui ne sont pas assez dupes pour perdre temps à le ronger ; ils n’ont rien éclairci de l’avenir désolant et lugubre qu’annonce un présent funeste.

Répétons-le : la métropole ou pour s’exprimer moins généralement, le ministère de la marine, et l’on pourrait dire mieux encore le directeur du département des colonies au ministère de la marine, M. Saint-Hilaire en un mot, mérite en tout ceci les plus graves reproches. Il est impossible qu’il ne sache pas ce qui se passe. En tolérant les abus il en devient complice ; en les provoquant par les tergiversations de sa politique, il en est le premier coupable. Les créoles, malgré l’influence que donnent toujours les richesses et la supériorité intellectuelle seraient moins audacieux, si les actes du gouvernement étaient mieux déterminés, si tous les pouvoirs des îles, toutes les branches de l’administration n’étaient, comme on l’a vu, remises à des hommes de leur caste, ou voués aux intérêts de cette caste par des intérêts pareils.

La direction du département des colonies au ministère de la marine, est évidemment enveloppée de l’atmosphère coloniale, autrement elle ne maintiendrait pas dans leurs places plusieurs des principaux fonctionnaires des îles qui sont d’une manière patente, hostiles à l’émancipation. — S’il est des colons qui s’en réjouissent, il en est d’autres plus sensés qui comprennent le mal et le déplorent. Nous avons entendu des habitans de la Guadeloupe se plaindre que l’administration locale n’aidât point au sensible mouvement de libéralisme éclairé qui distingue la Basse-Terre. Ils ne pardonnaient pas au gouverneur, M. Jubelin, d’avoir su la détention de la fille Lucile dans le cachot Mahaudière, et d’avoir fermé les veux. Il est avéré que M. Jubelin avait connaissance du crime ; s’il eût