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sont des marchés tout créés, de larges débouchés tout ouverts, serait à la fois une œuvre nationale propre à nous mettre en état de reprendre notre niveau comme puissance maritime.

Ceci nous ramène à l’émigration tropicale qui peut, avec une protection éclairée, tripler rapidement l’importance de nos possessions d’outre-mer. Outre les moyens que nous avons déjà indiqués, pour l’encourager et la provoquer, il faut que le sort fait aux colonies ne leur rende point onéreux les échanges qu’elles feront avec la métropole, il faut qu’elles puissent y trouver avantage, et que le gouvernement veille lui-même à ce que les marchandises qui leur sont imposées soient toujours de la meilleure qualité.

Une servante de Fort-Royal qui attachait quelque chose devant nous, prit une feuille d’épingles, et deux ou trois de ces épingles s’étant courbées l’une après l’autre, se prit à dire : « Oh ! ce sont des épingles françaises ». Il n’est que trop vrai, c’est-là un cri spontané hors d’Europe. La manufacture française, même dans les colonies françaises, est déshonorée. Il suffit aux revendeuses foraines qui courent les habitations de dire à un nègre que telle marchandise est anglaise, pour qu’il la prenne de préférence à la nôtre. Les maîtres, de même. Houes[1], chaînes d’attelage, coutelas[2], ils achètent tout de contrebande à prix double, lassés

  1. Instrument aratoire pour la culture de la canne. C’est une bêche en forme de pioche.
  2. Espèce de sabre propre à couper la canne.