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lieu, n’y ont vu comme ils disaient « qu’un os à ronger, jeté aux abolilionistes pour les faire taire, » Les abolitionistes ne se taisent point ; les colons voyant qu’on craint de les attaquer franchement, s’indignent avec la chaleur de leur sang généreux, qu’on craigne de les défendre nettement, et le mal augmente.

Les coups terribles que le maître frappe quelquefois sur son esclave, émeuvent la sollicitude des bureaux de la marine, lorsqu’une circonstance quelconque les fait retentir jusqu’en Europe ; mais les réformes provoquées par les cris des victimes, sont toujours annihilées par l’inqualifiable timidité des réformateurs. Que peut produire l’ordonnance du 16 septembre 1841, issue de l’affaire Mahaudière ? Elle limite à trois jours l’emprisonnement disciplinaire par l’ordre immédiat du maître, elle fait obligation à celui-ci de livrer à la justice dans le même délai de trois jours l’esclave coupable d’un crime, elle commande en outre, que les cachots soient remplacés par des salles de discipline ; et ces mesures nouvelles une fois prescrites, elle ne pourvoit d’aucune manière à leur garantie et à leur efficacité, elle s’en remet sur ce point aux visites de patronage recommandées par l’ordonnance du 5 janvier. Or ces visites confiées à des magistrats presque tous créoles ou habitans, protecteurs d’esclaves bien choisis, personne n’ignore qu’un tiers des planteurs a refusé de s’y soumettre sans qu’il en ait été rien de plus. Quant à la nature des salles de discipline, l’ordonnance veut « que l’humanité n’ait rien à y reprendre », mais elle ne précise pas ce que l’humanité exige. Elle s’en rapporte encore aux magistrats, lesquels possédant des habitations par eux-mêmes ou par alliance, trouveront que les cachots sont très conformes à l’humanité puisqu’ils en ont chez eux, et se tiendront pour quitte vis-à-vis de la loi, en écrivant le mot salle de police sur les prisons actuelles. Tout le monde à leur place, et avec leurs passions en ferait autant. Puis, las d’un pareil effort en faveur de la population esclave, les bureaux se reposent et disent « qu’ils ont suffisamment restreint