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d’affranchir : — Quelle honte, d’ailleurs, que le gouvernement de France ait encore des esclaves ! Pourquoi ne donne-t-il pas le signal de l’abolition en élargissant tous ses nègres, comme fit la couronne d’Angleterre le 12 mars 1831 ? Il hésite, tandis que le bey de Tunis vient de proscrire l’esclavage dans ses états ! La France reçoit maintenant des leçons d’humanité des régences barbaresques ! Ne se refusera-t-on pas à le croire ? Non-seulement la France possède des esclaves, mais elle leur dénie jusqu’au droit de rachat ! Nous avons sous les yeux une lettre signée de M. Brache, en date de Cayenne, 20 novembre 1840, et adressée à M. Goubault, conçue en ces termes :

« Cher monsieur,

« Désirant affranchir la négresse du domaine colonial Monique, j’avais écrit à M. Roujoux, l’ordonnateur, et je proposais de donner en échange de cette femme, une négresse à moi appartenant. Ce chef de l’administration a rejeté ma demande, prétextant que le conseil colonial, dont le concours est indispensable en pareille matière, refuserait d’émettre son vote sur un projet de décret dont le but serait en définitive d’accorder à Monique la récompense de bons services, dont elle peut justifier.

« Je m’étais basé sur les services de cette négresse, j’avais expliqué que cette femme attachée à l’atelier de l’hôpital, où elle est assujettie à un travail extrêmement rigoureux, et ayant un enfant libre, ne pourrait s’acquitter envers lui de tout les devoirs de la maternité.

« La proposition que j’ai faite étant entièrement dans l’intérêt du gouvernement, je ne pensais pas qu’elle put être refusée, car au moment surtout où la question de l’esclavage est décidée et l’urgence de la liberté proclamée, elle offrait au gouvernement outre la satisfaction d’humanité, l’avantage d’avoir une esclave de moins à payer.

« Je viens vous prier, non pas en votre qualité de procureur du roi, mais comme ami, de faire accueillir ma demande ; ce serait un service dont je vous resterais reconnaissant. »