Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivant de Boyer Peyreleau, qu’il y a plus d’un siècle qu’elles sont passées à l’état de vérités reconnues.

« L’expérience avait démontré au gouvernement le danger d’appeler aux premiers emplois des colonies des créoles ou des propriétaires. Dès le mois de novembre 1719, il avait dû défendre aux chefs d’y acquérir des habitations[1], mais on laissa tomber cette défense en désuétude, et de nouveaux inconvéniens s’en suivirent. Une ordonnance rendue le 1er décembre 1759, défendit aux gouverneurs, aux intendans et aux officiers d’administration des colonies d’y contracter des mariages avec des créoles et d’y acquérir des biens fonds (Code de la Martinique, vol. Ier, p. 151 et suiv. ; v. II, p. 74 et suiv.). Un nouvel ordre du roi enjoignit, le 7 février 1761, de n’envoyer aux îles aucun chef ou sous-chef qui y serait propriétaire ou qui y aurait épousé une créole (archives de la marine, l’histoire politique fera connaître les motifs qui ont provoqué ces diverses ordonnances) ; mais on laissa de nouveau tomber dans l’oubli ces défenses préservatrices. Que de maux ont affligé les colonies de 1786 à 1822, qui n’auraient pas eu lieu si elles eussent été exécutées ? »

« L’homme est malheureusement toujours homme, c’est-à-dire faible, vain et intéressé. Quelqu’intègre que soit un chef trop intimement lié à la colonie où il commande, il ne résistera pas aux instances de sa famille, de ses parens, de ses amis, de ses créatures, ni à l’impulsion de ses intérêts, Les solliciteurs puissans et importans finiront par être écoutés, et c’est toujours aux dépens de la justice, au détriment du bien public et des intérêts des particuliers. »

L’organisation coloniale judiciaire de 1828, renouvela les défenses de 1719, 1759, 1761, mais on n’en tient pas plus compte que du reste.

  1. L’ordonnance dit : « Les gouverneurs et intendans, en devenant propriétaires, seraient portés à favoriser les intérêts particuliers des colons, aux dépens de la métropole. »