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procès-verbal de la descente sur lieu d’une manière inexacte, et à son tour il accuse le prévenu de lâche ingratitude ; car « si je n’ai pas fait ouvrir le cachot sur le champ, devant moi, c’est que l’atelier était présent, et que j’ai voulu ménager votre autorité. »

Sans doute l’acte de M. Mahaudière n’était point généreux ; il récompensait cruellement les premiers égards qu’on avait eus pour lui, mais l’humiliation publique subie par l’homme de la justice était méritée, et l’on voudrait qu’elle atteignit plus souvent le magistrat prévaricateur.

Voilà le sort du représentant de la loi qui ne s’est pas conservé dans un austère isolement !

Les créoles, s’ils lisent jamais ce livre, vont s’indigner et se plaindre d’être mis en suspicion. Qu’ils réfléchissent, ils se rappelleront que le premier président de notre cour suprême descend de sa place, s’il se présente aux pieds du tribunal quelqu’un des siens. Toutes les morales du monde défendent d’être juge dans sa propre cause ; or, il y a aux colonies des maîtres et des esclaves, des blancs, des nègres et des sang mêlés ; ce sont des classes malheureusement bien distinctes et ennemies. Le maître qui juge des esclaves, le blanc qui juge des nègres et des sang mêlés, sont donc juges dans leur propre cause. Les européens, libres des pernicieuses idées de caste et de couleur, seraient seuls propres à rétablir un peu l’équilibre. Et encore voudrions-nous les renouveler souvent. Les créoles sont si forts, leur cohésion par suite de leur petit nombre et des intérêts communs qu’ils ont à soutenir, est si grande, l’influence de la fortune et de l’éducation qu’ils possèdent exclusivement est si considérable, que l’on ne saurait s’entourer de trop de garantie contre les dangers de leur despotisme et de leurs propres passions.

Il faut le désordre et le manque de suite qui caractérisent notre administration et font tant de mal au pays, pour que l’écrivain occupé des questions coloniales ait encore à répéter de telles choses. On verra si l’on veut jeter les yeux sur l’extrait