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d’être étouffée par le parquet de la Guadeloupe[1], sous prétexte de ne point révéler à la publicité un grand scandale.

On en reviendra un jour aux mariages fusionnaires que nous attestent unanimement tous les écrivains des premiers établissemens coloniaux, et qui serviront à réprimer la débauche des femmes de la classe mixte. Déjà quelques petits

    et il disait : « L’enfant, suivant la condition de la mère, devrait être blanc et libre. » Enfin, le sieur Parise succéda au sieur Recoing de Lisle fils ; des débats judiciaires s’engagèrent en 1834, et à force de soins et de persévérance, Ferdinand, dit Moïse, fut déclaré libre au mois de janvier 1840 ! »

    Il est juste d’ajouter que c’est au zêle infatigable et courageux de M. Goubault, alors avocat à la Guadeloupe, qu’est due la réparation de la longue iniquité dont le malheureux Ferdinand était victime.

    Il y a quelques mois, le 27 mai 1841, une mulâtresse vient encore de naître au petit Bourg (Guadeloupe), d’une demoiselle blanche de haute maison, âgée de 21 ans. Le substitut du procureur du roi, M. P. Mosse, a constaté le fait à la suite d’une accusation d’infanticide. On peut juger du reste dans ces occasions la bonté ferme qui est la qualité par excellence des femmes créoles. Ces pauvres jeunes filles, après avoir succombé, bravent l’affreuse honte dont les idées du pays environnent leurs fautes, elles avouent presque toutes le crime de maternité avec un héroïque courage, et jamais on ne les voit participer au forfait qui tue le fruit de leurs entrailles pour satisfaire l’orgueil de leurs parens.

  1. Le crime fut commis le 21 juillet 1839, signalé deux jours après, le 25, au procureur général de la Basse-Terre, M. Bernard, et le nègre, père des enfans, est resté l’esclave des frères de la pauvre fille compromise ! Si nous ne sommes point dans l’erreur, l’instruction préliminaire a été faite et le procès-verbal rédigé par M. Portalis, juge-de-paix au Moule. M. Portalis est un magistrat comme il en faudrait beaucoup aux colonies, homme courageux et intègre, il ne recule pas devant les inimitiés que le ferme accomplissement de ses devoirs pourrait lui attirer.

    Que l’on ne s’étonne point, du reste, de nous voir instruit de ces choses. Les hommes de couleur naturellement peu amis des blancs, par suite de l’impolitique réprobation dont ils sont l’objet, ont su se procurer et gardent note de bien des offenses faites à la justice et à l’humanité par leurs ennemis. Souvent victimes de la partialité du parquet et des autorités, ils ont de quoi confondre plus d’un coupable si jamais cela pouvait devenir utile à leurs intérêts.