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riosité venait de s’accroître en découvrant un double-fond dans la caisse qui les contenait. Qu’on juge de notre surprise lorsqu’en forçant ce double-fond, nous n’y trouvâmes que des tresses de cheveux de toute couleur, des bagues, des cœurs en or traversés d’une flèche, de petites clefs, des souvenirs et une foule de billets doux qui ne laissaient aucun doute sur les succès obtenus en amour par le vieux Toussaint Louverture. »

Toussaint ne fut pas le seul nègre qui fut aimé des blanches, en cessant d’être esclave ; cela était à la connaissance générale en France, et Bonaparte qui jouait l’homme moral comme on sait, dit niaisement à ce sujet dans les instructions pour la criminelle expédition de Saint-Domingue : « Les femmes blanches qui se sont prostituées aux nègres, quelque soit leur rang, seront renvoyées en France. » Au reste, sans aller à Saint-Domingue, nos colonies, au sein même de l’esclavage, nous pourraient présentement fournir d’autres exemples. On y connaît des mulâtres dont les mères sont des demoiselles blanches[1]. Une affaire d’infanticide sur deux jumeaux vient

  1. L’Univers a raconté le fait suivant dans son numéro du 4 décembre 1841:

    « En 1794, une demoiselle ***, créole de Saint-Pierre Martinique, se laissa séduire par un nègre libre, nommé Pierre Sauvignon. Elle accoucha dans une case au Morne d’Orange, et l’enfant placé dans un panier fut exposé à la porte d’un ami. Aux termes d’une coutume barbare, l’enfant porté à la maison des enfans trouvés, fut refusé parce qu’il avait la peau un peu foncée. Une commission s’assembla, il fut déclaré de couleur et vendu à l’encan au sieur Recoing de Lisle pour 32 francs 80 c. Cet habitant était l’ami de la mère du petit mulâtre auquel on donna le nom de Ferdinand, dit Moïse. M. Recoing avait reçu de l’argent de cette malheureuse, et s’était engagé à élever le pauvre enfant et à lui donner la liberté. M. Recoing de Lisle mourut, léguant Ferdinand à sa fille, le 16 mai 1814. Mademoiselle Sophie Recoing de Lisle avait été liée avec la mère du petit infortuné ; elle en eut tous les soins possibles. Devenue madame Pochard, et ayant perdu son mari, le 19 mars 1816, elle mourut en couches. Ferdinand passa au fils Recoing de Lisle qui le posséda jusqu’en 1833, année de son décès. Ce dernier propriétaire de Ferdinand racontait, à qui voulait l’entendre, l’intéressante histoire de son esclave,