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riages légitimes entre blancs et femmes libres. Les européens même alors « s’adressaient de préférence aux mulâtresses, parce qu’elles étaient plus riches que les européennes. »

Valverde, créole espagnol de Saint-Domingue, dit que « parmi les Français, les comtes et les marquis se marient avec des mulâtresses, et que le luxe de ces femmes joint à leur considérable multiplication, témoigne du cas que les Français font d’elles, et prouve que la répugnance dont parlent leurs auteurs n’est qu’un mensonge[1]. » À vrai dire, Valverde qui a toute la morgue espagnole, a l’air de prendre en grande pitié ces comtes et ces marquis français qui épousent des mulâtresses.

Quant à l’indignation et au dégoût que manifestent les femmes blanches des colonies lorsqu’il est question de mariages, d’elles aux noirs, nous ne croyons pas du tout qu’ils soient invincibles. D’abord il existe plusieurs de ces mariages en Europe[2] ; ensuite le général Pamphile Lacroix, dans son Histoire de la révolution de Saint-Domingue, raconte l’épisode suivant : « Lorsque nous parcourions dit-il, avec le général Baudet, les documens secrets de Toussaint Louverture, notre cu-

  1. Idea del valor de la isla Hispanola, chap. 19.
  2. Il y en a toujours eu. « Le peu d’habitude de voir des nègres avait sans doute inspiré à M. Meckel une espèce de répugnance et d’horreur pour leur couleur. Il en aurait eu des idées moins révoltantes et plus raisonnables s’il eut été à même comme nous le sommes dans notre patrie, d’examiner journellement des noirs et de se convaincre par ses yeux que les blancs de l’un et de l’autre sexe, quelque supérieurs qu’ils se croient aux nègres, ne les regardent pas tout-à-fait indignes de leur amour et même de leur alliance. »
    Camper.

    Après tout, pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Le visage des nègres certainement ne répond pas à ce qui constitue le beau, selon que nous autres blancs nous le concevons, mais il a son caractère, et il est impossible de ne pas convenir que le buste et les bras de l’homme noir sont des modèles de musculature qui ne laissent plus croire que les marbres antiques soient des créations idéales. Quant aux négresses, si elles étaient si affreuses qu’on le dit, elles ne feraient pas tant de tort à leurs maîtresses.