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conséquens et plus barbares que les autres : car ceux-ci ne gardent pas éternellement leurs fils dans les fers ; mais vous, ce sont vos frères et vos mères que vous voulez retenir à jamais en servitude. » Il n’est que trop vrai, les mulâtres se sont courbés eux-mêmes sous les fourches du préjugé, ils n’ont pas moins de dédain pour les noirs, les insensés ! que les blancs n’en ont pour eux ; et un mulâtre se ferait autant scrupule d’épouser une négresse, qu’un blanc d’épouser une mulâtresse ! Quelqu’un l’a dit avec vérité : Un mulâtre hait son père et méprise sa mère. — Triste conséquence des erreurs humaines, elles se commandent, elles s’enchaînent ; on a sous les yeux aux colonies une série graduée de dédains d’une classe envers l’autre qui serait ridicule si elle n’était déplorable. Quiconque a des cheveux laineux, signe essentiel de la prédominance noire dans le sang, ne saurait aspirer à une alliance avec des cheveux plats. Les femmes de couleur qui ont la chevelure crépue s’imposent des tortures horribles en se coiffant pour la tirer de façon à laisser croire qu’elle est soyeuse.

Au point de vue que nous venons d’envisager, la position des hommes de couleur ne doit naturellement inspirer aucun intérêt. Nous savons bien qu’il y a une excuse pour eux, qu’ils sont aveuglés eux-mêmes par la maudite influence du préjugé ; mais n’importe, on doit leur reprocher de n’avoir pas mieux senti les leçons de la mauvaise fortune, de ne point aimer leurs frères en souffrance. Ils se chargent de justifier la répulsion des blancs pour eux par celle qu’ils éprouvent à l’égard des nègres. Pour mériter la sympathie des hommes de bon sens et de bon cœur, leur premier devoir serait de se mettre de niveau avec la civilisation et d’accorder aux autres ce qu’ils réclament pour eux-mêmes. Cet éloignement qu’ils montrent vis-à-vis du nègre est un scandale aux yeux de la raison, une joie profonde pour leurs ennemis ; et ce qui maintient la force des colons, ce qui perpétue leur supériorité, c’est précisément la haine que les sang mêlés ont créée par leur orgueil, entre eux et les noirs. Ceux-ci les détestent, et leurs proverbes toujours si admira-