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mélés auraient voulu venir gagner là cette instruction que l’on fait un crime à leur race de ne pas posséder, et qu’ils ne peuvent aller chercher à grands frais en Europe ! M. Lacharrière avait pourtant dit à ses frères, courageusement et au risque de sa popularité : « Il est temps d’abjurer des considérations politiques devant lesquelles viennent toujours se briser les meilleures entreprises. Il est temps de ne plus combattre de vaines chimères et de voir les choses sous leur véritable aspect. Aujourd’hui les rangs se confondent, les assises, les collèges électoraux, contribuent tous les jours à les rapprocher ; une nouvelle organisation de milice vient y prêter son concours, et rien ne prouve que la pension de M. Angelin sera fermée à la classe dont on veut parler. » Trop inutiles paroles ! on ne voulait point les comprendre. La majorité refusa l’allocation et la Guadeloupe perdit un établissement dont une commission d’examen nommée par les parens avait dit : « Nous croyons être les fidèles interprètes de la pensée publique, en affirmant que le directeur du pensionnat Saint-François a satisfait aux grands devoirs qu’il avait à remplir. C’est maintenant à la colonie à payer sa dette. Un véritable collège national est enfin fondé, bien supérieur à tout ce qui avait existé jusqu’à présent dans les Antilles. Déjà plusieurs élèves distingués en sont sortis, et ont obtenu dès leur arrivée en France leur diplôme de bachelier ès-lettres. C’est un devoir sacré pour tous les pères de la colonie, de soutenir et de protéger une fondation à laquelle se rattachent les intérêts les plus chers de leur famille et de leur pays. » Signé, Beauvallon, chef principal des milices ; Lignières, avocat ; Nesty, notaire ; Comont, négociant ; Coquelle, négociant.

Cela est arrivé à la Guadeloupe, où le préjugé de couleur cependant a bien moins de violence que dans l’île voisine, où l’on ne se déshonore pas tout à fait à donner la main à un sang mêlé, où il y a dix-sept mulâtres parmi les conseillers municipaux, et seize parmi les officiers de milice !

Mais veut-on savoir jusqu’où peuvent aller les passions qui