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quillité, nous le voulons croire, mais n’est-ce point une injustice de ne pas en attribuer aussi une part au fond de moralité de la classe la plus nombreuse, classe pauvre et ignorante !

Ignorante par-dessus tout. Les enfans libres n’ont à leur portée aucun moyen d’éducation. Ils n’ont pour toute ressource que les trois ou quatre écoles gratuites des frères de la doctrine chrétienne, fondées depuis peu par le gouvernement dans chacune de nos colonies. La classe blanche oblige les maîtres des petites pensions du pays à refuser les enfans de couleur, sous peine de retirer les siens ; elle s’oppose avec soin à toute expansion de lumière dont pourrait profiter la classe libre ; il entre dans sa politique de conserver le monopole et le privilège de l’instruction.

Il n’existe aux colonies aucun établissement où l’on puisse trouver des élémens de fortes études. Les créoles sont obligés, ceux du moins assez riches pour cela, de faire élever leurs enfans en Europe. M. l’abbé Angelin, un de ces hommes hardis, remuans, qui n’ont d’abbé que le nom, avait eu l’heureuse idée de créer aux Antilles une maison de hautes études, et seul, était parvenu à faire ce que l’on ne croyait pas que le gouvernement pût faire avec 3 où 400,000 francs. Il avait monté le pensionnat Saint-François à la Basse-Terre Guadeloupe, où il était parvenu à réunir soixante où quatre-vingts élèves. C’était une entreprise véritablement utile au pays, et plusieurs colons éclairés la soutenaient de toute leur influence. Cependant les fonds nécessaires venant à manquer, on s’adressa au conseil où l’allocation tomba sous ce dilemme foudroyant du procureur-général : « Ou l’institution deviendra publique, et alors elle périra sous l’influence des répugnances sociales que le temps n’a point encore effacées, ou elle conservera le caractère d’une institution particulière ; mais alors comment justifier une avance faite dans l’intérêt d’une partie de la population sur un fond auquel tous contribuent ? » Hélas ! oui, une institution de la plus haute importance pour toutes les Antilles dut périr, parce que des enfans nègres où sang