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en disant que la race blanche n’a pas l’instinct de la friponnerie, quoique tous les domestiques de cette race, mâles et femelles, volent effroyablement. Expliquons-nous : le nègre ne se fait presqu’aucun scrupule de voler les produits de la terre chez son maître ; il regarde cela presque comme permis au moyen d’une certaine capitulation de conscience qui se retrouve dans nos cuisinières. Combien de ces femmes qui ne vous prendraient pas un sou et qui ne se tiennent nullement pour coupables de tromper sur les achats du marché ! Les jardins des nègres sont fort souvent aussi récoltés par des voleurs ; mais les marrons qui passent leur vie à se cacher ont besoin d’ignames et de patates. — Il en est du vol comme du travail ; tout cela dépend beaucoup de la manière dont les ateliers sont conduits, et des habitudes qu’une administration plus ou moins habile y laisse prendre, Nous avons vu des habitations où le maître avait été obligé de renoncer à entretenir des volailles, parce qu’on les lui prenaient toutes ; sur d’autres, comme chez M. Dhemé Ste-Marie (Lamentin), la grande case est entourée de poules, de lapins, de jardins à fruits et à légumes, sans que l’on dérobe jamais une pièce. Bien des vices des nègres, en dehors toutefois de leur premier générateur, l’esclavage, tiennent à ce qu’on ne sait pas manier ces hommes, à ce qu’on les dirige mal. En tous cas les pillards s’arrêtent aux fruits de la terre, aux larcins que l’on pourrait appeler ruraux. Les vols d’intérieur, de maisons habitées, ces grands vols avec effraction ou sur les routes, qui épouvantent la société européenne, on n’en a pas d’exemple aux Antilles. M. Pujo, juge d’instruction à Saint-Pierre, formula très ingénieusement son avis, lorsqu’il voulut bien répondre à nos questions, en disant : « Un numéro de la Gazette des Tribunaux de Paris, représente dans son ensemble de crimes et de délits trois mois de la Martinique. »

L’état-général des maisons de détention de cette île[1], au 1er juillet 1840 offrait :

  1. Nous citons un peu plus souvent la Martinique que la Guadeloupe,