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tout simple, le milieu étant donné, qu’ils ne veuillent point y aider. — D’un autre côté les gens de couleur presque tous sans famille, fruits du concubinage ou de la débauche, plus ou moins abandonnés de leurs parens, pauvres, mais nécessairement infestés des vices du pays, se refusent à travailler à la terre, parce que c’est un travail d’esclaves. « Dans tous les pays à esclaves, disent avec infiniment de justesse MM. Sturge et Harvey, la liberté est une sorte de lettre de noblesse, et les classes les plus basses des personnes libres, blanches ou noires étant trop fières pour s’occuper, sont ordinairement plus misérables et quelquefois plus dégradées que les esclaves eux-mêmes ; les funestes influences de la servitude ne s’arrêtent pas à la caste infortunée qui en est immédiatement victime. » Il ne reste à vrai dire aux libres qui daignent travailler que des places de commis pour les lettrés, et pour les autres les emplois manuels ou les arts mécaniques ; encore de ces emplois, par malheur, n’y en a-t-il presque pas de possibles dans nos îles. Les colonies reçoivent tout de la métropole, jusqu’à des chaises, des habits et des souliers, il n’y existe véritablement d’autres manufactures que celles du sucre ; le régime prohibitif de toute industrie ne laisse ouverts pour occuper tant de bras, que les cadres des maçons, des charpentiers et des pêcheurs.

De là l’oisiveté qui dévore et avilit cette race victime d’une mauvaise organisation sociale. Sa médiocrité ; ses moyens d’existence toujours problématiques, son inutilité, ses mœurs répréhensibles, son manque de dignité et le peu d’estime que mérite la majorité de ceux qui la composent, expliqueraient jusqu’à un certain point l’orgueil des blancs, s’ils avaient assez d’intelligence philosophique pour séparer le bon du mauvais grain, s’ils ne se montraient pas aussi indulgens envers les dépravés de leur caste qu’impitoyables pour les autres. Et cependant que de raisons n’y auraient-ils pas pour que cette indulgence changeât d’objet ? Sous l’empire de l’éternelle flétrissure qui pèse sur eux, et par le fait de leur éloignement de toute fonction publique, le mal n’est-il pas pour ainsi dire im-