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roi 5 février 1726). Quel abominable amas d’iniquités que tout cela !

Les grossiers instincts et le despotisme brutal de Bonaparte, ce méchant homme tant admiré des Français, fortifièrent cette législation barbare lors de la promulgation du Code civil dans les colonies. Son arrêté du 16 brumaire an xiv (7 novembre 1805), dit expressément : art. 3, « Les lois du Code civil relativement au mariage, à l’adoption, à la reconnaissance des enfans naturels, aux droits de ces enfans dans la succession de leurs père et mère, aux libéralités faites par testament ou donations, aux tutelles officieuses ou datives, ne seront exécutées dans la colonie que des blancs aux blancs entre eux, et des affranchis ou des descendans d’affranchis entre eux, sans que par aucune voie directe ou indirecte aucune des dites dispositions puisse avoir lieu d’une classe à l’autre[1]. »

Le sort précaire de la grande majorité des hommes de couleur l’est peut être devenu davantage encore depuis l’émancipation politique de leur classe. Avant ce grave événement il s’était formé, comme nous l’avons dit, une espèce de société romaine aux colonies : presque tous les libres étaient attachés sous forme de clientèle à quelque blanc qui les soutenait. Depuis les blancs irrités ont retiré leur protectorat, et ne font travailler qu’à la dernière extrémité cette caste rivale qu’ils redoutent, parce que le fait de son affranchissement la porte en haut. Le mulâtre M. Joannet, entrepreneur à la Pointe-à-Pitre, n’a presque plus d’ouvrage depuis qu’on l’a vu faire de ses trois fils deux médecins et un avocat. — Ne leur faisons point gagner d’argent, car ils l’emploieraient à nous former d’habiles ennemis. Les oligarches des Antilles comprennent que la prospérité de la couleur tournerait contre eux, et il est

  1. Le considérant de cet article et digne de la décision : « Considérant que de tout temps on a connu dans les colonies la distinction des couleurs, qu’elle est indispensable dans les pays d’esclaves, et qu’il est nécessaire d’y maintenir la ligne de démarcation qui a toujours existé entre la classe blanche et celle des affranchis ou de leurs descendans, etc. »