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térieux empire, parvient à rapprocher maîtres et serviteurs pour l’éternité. Et cependant non, à l’hospice des fous de Saint-Pierre aussi, chose caractéristique, tous les rangs, toutes les castes, toutes les classes sont confondus, on y voit blancs, nègres, sang mêlés, libres et esclaves se heurtant côte à côte. Triste, triste, affligeante société, celle-là où l’on ne trouve en vigueur que dans ces lieux de désolation, la première des lois qui doivent régir les sociétés humaines ! On n’a pas même une telle consolation à la léproserie de la Désirade, Outre la ration commune à tous les malades, les blancs y reçoivent aux termes du cahier des charges une livre et demie de beurre par semaine, et les libres une livre ; les esclaves rien. De par la science hygiénique créole, les pauvres lépreux blancs ont besoin d’un peu plus de beurre que les libres, et les esclaves n’en ont pas besoin du tout !

En parlant de la Désirade, nous ne pouvons nous empêcher de noter une de ces anomalies dont le lecteur a déjà pu voir plusieurs exemples dans la société coloniale, Il existe là et aux Saintes (dépendances de la Guadeloupe), une population mixte qui jouit du titre et des droits de blancs. C’est la descendance d’un certain nombre de familles de couleur qui furent déclarées blanches il y a un siècle environ, par arrêt de la cour suprême. Lorsqu’on demande la raison de ce singulier arrêt on vous répond que l’on avait sans doute besoin de blancs à cette époque !

Les blancs de la Désirade et des Saintes, comme on les appelle, quoique tous fort pauvres et généralement pécheurs et marins ne se montrent pas les moins jaloux des privilèges de caste.

Les trois cent mille Ibaros de Puerto-Rico, dont les ancêtres étaient le produit du mélange des Espagnols avec les Indiens, passent aussi pour blancs, malgré leur incontestable origine de sang mêlés établie par leur couleur olivâtre. Pour les distinguer des blancs (pure race), on les appelle quelquefois blancos de tierra, blancs du pays. Mais cela ne les empêche pas d’avoir