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traite par une loi du 10 prairial an x (30 mai 1802[1]). C’est vous, toujours vous, qui nous avez contraints par la même loi à reprendre la responsabilité de l’esclavage, à y replacer nos chances de fortune, nos moyens d’existence, à le considérer comme une chose utile à tout le monde[2]. Et puis tout-à-coup, parce que le siècle en marchant a créé de nouvelles doctrines pour le monde métropolitain, voilà que vous nous traitez de cruels, de barbares, et nous montrez une indignation pleine d’horreur ! vous oubliez que nous sortons de vous, que nous ayons été élevés au milieu de vous et avec

  1. Il y avait la traite française et la traite étrangère. La traite française jouissait de certains privilèges à l’exclusion de l’autre, comme la pêche de la morue. Mais nos colonies avaient de si grands besoins que les étrangers y trouvaient encore leur compte. La situation de la Dominique entre nos deux îles en fit long-temps l’entrepôt de cet affreux métier. Les Anglais excellèrent dans le commerce des nègres comme dans tous les autres, et en vendirent beaucoup à la Martinique et à la Guadeloupe. Ils furent même soupçonnés d’avarier volontairement la marchandise ! « Les colons ont accusé les Anglais de faire boire de l’eau de mer pendant la traversée aux noirs qu’ils leur vendaient, soit pour multiplier leurs ventes, soit pour tenir les colonies de leurs rivaux dans la médiocrité  *. » Quand il est question de traite et d’esclaves, tout est croyable.

    * Voyage à la Martinique, par le général J.-B., 1804.

  2. Le rétablissement de l’ancien régime coûta beaucoup de sang à la Guadeloupe, et s’opéra en violant toutes les lois humaines et morales. Des nègres, entr’autres, pris sur les négriers anglais pendant les guerres de la république, et qui avaient été distribués sur les habitations par Victor Hughes, furent alors impitoyablement vendus au profit de l’État.

    Nous tenons de l’obligeance de M. Lignières un vieux morceau de papier tout percé des vers et daté du 9 floréal an viii de la république, qui prête une force terrible aux plaintes des colons par un rapprochement singulier. Le voici dans son intégrité :

    Habitation Ve Marsolle.

    Les cafés revenant aux cultivateurs de cette habitation pour leur quart, ont été bonifiés, vendus, et ont produit la somme de 2, 295 livres 15 sous, pour être partagés en quinze lots. Il revient au lot la